Tous les représentants des peuples de la planète Terre cogitent depuis trois jours à Marseille sur une question capitale : comment arriver à fournir en urgence à plus de 6 milliards d'individus une ration d'eau potable quotidienne, saine et au moindre coût pour les quarante prochaines années. Le 6ème forum mondial de l'eau qu'organise le Conseil mondial de l'eau se doit de terminer ses travaux par des réponses urgentes à la problématique de l'eau dans le monde, mais surtout d'éviter les solutions de facilité et d'écouter les ONG, pour une fois. C'est dans cette perspective que la société civile du Monde est présente en force au Forum, et ne passe pas inaperçue. Avec leurs chapiteaux maquillés aux couleurs de l'eau ou du désert, dressés entre des bâtiments froids séparés par des allées ''macadamisées'' et sans charme floral, des jeunes et moins jeunes de plusieurs pays squattent pratiquement les stands officiels pour faire entendre leur cause, celle de l'accès à l'eau pour tous. Avec leur chapeau ''black and white'' à la Tyrolienne, les militants du Parlement mondial de la jeunesse pour l'eau (PMJE) et leurs accoutrements traditionnels selon leur pays d'origine (Inde, Pakistan, Afrique du Sud, Australie ou Suisse), ils donnent une couleur particulière à ce forum. Dans le grand Hall des Expositions, c'est la grande messe des couleurs, des cultures et des accoutrements traditionnels. Aux Bou-Bou africains que portent fièrement les maliens et autres guinéens, se mélangent les Saris ou les pantalons bouffants des populations Mongoles. Dans le compartiment maghrébin, c'est le chèche Targui et la chéchia qui tiennent la dragée haute aux costumes cravate qui zèbrent les pavillons européens, alors que les Coréens, Chinois et autres Japonais s'illustrent par des stands où la numérisation des informations sur les groupes producteurs d'eau se confond avec des vêtements hauts en couleur. ''C'est comme un grand souk planétaire'', résume un Malien qui cherche le chemin vers le stand de son pays le long d'une allée de plus de 100 mètres où les idiomes et les langues se mêlent et s'entrechoquent au détour d'une visite dans un stand russe ou pakistanais. ''C'est ça le forum : on y trouve pratiquement tous les peuples de la planète, avec leurs vêtements traditionnels, leurs habitudes, leurs manières de parler et de voir les choses'', explique un participant maghrébin. Et puis, au-delà des quelque 200 stands mêlant pavillons nationaux, groupes industriels et société civile, il y a en fait cette extrême convivialité qui suinte des discussions happées au hasard d'une visite d'un stand chinois, d'une buvette fréquentée par des Brésiliens ou une table ronde animée par un Omanais avec ses habits traditionnels. On communique, on ne parle pas Un fait insolite, pourtant : pratiquement tous les participants arrivent à communiquer, autant en utilisant la langue la plus parlée dans le monde, mais également par le geste et les mimiques propres aux gens des campagnes, ou des vallées péruviennes aux berges de l'Amazone. Car le Forum mondial de l'eau rassemble, outre les experts, représentants de gouvernements, universitaires et professionnels, les représentants des collectivités locales, des communes rurales et de centres urbains, ainsi que des parlementaires. ''C'est bien que ce Forum ait atteint une telle dimension de représentativité des peuples du monde, car cela permettra de trouver des solutions pour l'accès à l'eau qui tiennent compte des remarques et besoins de ceux qui en ont le plus besoin'', estime un altermondialiste rencontré dans le dédalle des pavillons nationaux en train de ''travailler à faire gagner à notre cause le plus de décideurs possible''. Jusqu'à vendredi, le Parc Chanot, tout proche du stade Vélodrome de Marseille, ''va vivre au rythme des sensations du monde'', fait remarquer un Marseillais, près du métro d'où sortent par fournées entières les milliers de participants à ce forum.