Partie intégrante de l'art vestimentaire traditionnel algérien, la gandoura oranaise, ou «El Abaya El Wahrania», perd peu à peu de son attrait, après avoir pourtant inspiré tant d'artistes dont les œuvres cherchaient avant tout à représenter le cachet purement populaire de cet habit masculin si particulier par sa forme et ses multiples teintes. Mais cet accoutrement traditionnel si cher aux Oranais et bien au-delà, n'a pu résister à la déferlante moyen-orientale et asiatique, qui offre l'embarras du choix entre les gandouras marocaines ou syriennes, saoudiennes ou asiatiques, le genre pakistanais et hindou que l'on porte à profusion notamment à l'occasion des fêtes religieuses. La gandoura oranaise, qui se distingue par ses couleurs blanche ou jaune et généralement accompagnée par un turban «Amama», ne fait désormais plus partie du quotidien, hormis chez de rares personnes du troisième âge qui la portent encore par fidélité à un passé prestigieux. Il est vrai que cet effet a tendance à disparaître des étals des commerces, si ce n'est quelques couturiers qui continuent de le confectionner à la demande de revendeurs bien précis et que l'on rencontre surtout dans les marchés populaires connus le souk de M'dina J'dida, au centre d'Oran. Ce n'est plus qu'un objet culturel d'apparat et d'exposition Désormais, en un mot, la bonne vieille abaya n'est véritablement visible que sur les tableaux de peinture, dans quelques scènes de films tournés dans les villages et hameaux, ou encore dans des pièces de théâtre, dans certains musées ou stands d'exposition de l'art vestimentaire traditionnel. Certains groupes folkloriques tentent, de leur côté, de préserver vaille que vaille ce costume traditionnel dans leurs représentations de fantasia. C'est que ce vêtement ancestral n'a plus la même symbolique auprès des familles oranaises. Il n'y a pas si longtemps, el abaya «revenait de droit au fils aîné pour qu'il puisse, à son tour, le léguer aux petits enfants comme un legs inestimable de toute la lignée», se souvient un commerçant au marché de M'dina J'dida qui, ironie du sort, propose tous les genres de gandoura sauf celle typiquement algérienne. «Jadis, raconte un ancien couturier reconverti en commerçant, el abaya était présente partout, dans les fêtes familiales, dans les cérémonies funéraires, dans les mosquées pour l'accomplissement de la prière. C'était une marque de prestige et un signe de sagesse.» Beaucoup déplorent, en définitive, que le changement intervenu dans le style vestimentaire à la faveur de l'invasion de vêtements «made in», a fait que les plus jeunes ne s'intéressent plus à la gandoura ancestrale, qui a inexorablement subi, au fil du temps et des modes, des transformations dans la coupe, le tissu ou les coloris. Même si el abaya disparaît des étals, se félicite cependant un spécialiste du patrimoine, beaucoup d'Oranais la gardent dans leurs armoires en souvenir du temps béni ou ce véritable patrimoine régnait en maître absolu, au même titre que l'ancien «haïk» (voile blanc), le burnous ou le turban «amama». Comme beaucoup d'autres, il préconise la réhabilitation de ce costume, encore capable de rivaliser avec les autres produits artisanaux, croit-il. On regrettera aussi l'époque où une place de M'dina J'dida, la bien nommée Tahtaha, était le lieu de rendez-vous privilégié des commerçants de l'Ouest algérien qui venaient y écouler différents types de gandoura, surtout celles de qualité et relevant, pour ainsi dire, de la haute couture. Résultat : le peu de commerçants et de couturiers qui exerçaient dans les environs ont fini par abandonner leurs activités après avoir longtemps observé, impuissants, l'irrésistible ascension de l'habit d'importation au détriment du vêtement algérien traditionnel.