Jeudi dernier, les organisateurs de l'escale marseillaise de la marche mondiale des femmes se sont rencontr�s au si�ge du Collectif 13 droits des femmes pour �valuer l'�tape europ�enne de cette manifestation, la deuxi�me du genre. Les femmes, celles qui ont pris part � cette marche, partie de Sao Paulo au Br�sil le 8 mars dernier pour arriver � Ouagadougou au Burkina-Faso le 17 octobre prochain, l'ont fait, au Palais des congr�s du parc Chanot, le dimanche 29 mai, deuxi�me et dernier jour de leur halte dans la cit� phoc�enne. Cit� fond�e par des marins grecs en l'an 600 avant J�sus-Christ, tient � pr�ciser Lydie, une jeune Marseillaise venue au parc Chanot r�cup�rer des amies finlandaises pour leur faire d�couvrir la beaut� de la plage du Prado, situ�e � quelques centaines de m�tres du Palais des congr�s. Un endroit dans le hall duquel des points de vente de �souvenirs de la marche� ont �t� organis�s. Tout y est brad� foulards, pins, affiches, t-shirts, chaque d�l�gation a tenu � vendre quelque chose, histoire de marquer son passage tout en renflouant les caisses de l'association. Une Belge, une dizaine d'�charpes sur l'�paule, une autre nou�e autour du bassin fait le tour des groupes de femmes qui, en attendant le d�part, papotent. Une d�marche qui fait regretter � cette artiste-peintre de Blida de ne pas avoir pens� � en faire de m�me. �Surtout que mon travail est de la peinture sur soie!�, se d�sole l'artiste qu'on laisse en pleine conversation avec Ch�rifa Kheddar de Djaza�rouna, Aktouf Sanhadja de 20 ans Barakat et de Ren�e, membre du Collectif 13 droits des femmes, pour aller faire le tour des groupes, mais pour une tout autre raison. Comment �valuez-vous cette marche et qu'en attendez-vous ? a �t� la question que nous avons pos�e � bon nombre de ces femmes venues de 53 pays des cinq continents. �Cette marche a �t� une r�ussite !� ; �On s'attendait � mieux !� ; �Elle aurait pu mieux se passer!� ; �On refuse de l'�valuer, car pour nous, quel que soit le taux de r�ussite de cette manifestation, c'est une autre occasion de redire notre refus du patriarcat, de la pauvret� et des violences faites aux femmes�; �Au-del� des attentes des unes et des autres, c'est le fait de nous retrouver, avec nos diff�rences, nos cultures et nos religions, autour d'un m�me projet qui est important� ; �C'est vrai que les aspirations des unes et des autres diff�rent, l'essentiel est que nous avons pris conscience que notre sort est li� bien que nos revendications soient parfois diam�tralement oppos�es (…) Si on veut que les choses changent, il faut qu'on bouge ensemble�. Ce sont l� quelques-unes des r�ponses de celles que nous avons abord�es en cette fin de matin�e de dimanche 29 mai, pour �recueillir � chaud�, comme on dit dans notre jargon de journaliste, les impressions de femmes venues d'Am�rique du Sud, d'Europe, du Canada, d'Afrique et du Maghreb et celles venues de France pour raconter les souffrances de l'Afghane, l'Iranienne, la Kurde, l'Egyptienne, ou encore la femme immigr�e ou l'impossible pari de concilier deux civilisations. L'une ali�nante, l'autre trop permissive. �Ni imam, ni cur�, ni rabbin pour r�gir notre vie� Cela ne les a pas emp�ch�s, quelques minutes auparavant, de chanter toutes et dans toutes les langues le combat des femmes � travers le monde, leur refus de voir leur vie r�gie par �un imam, un cur� ou un rabbin�. Les Alg�riennes, elles, celles venues d'Alg�rie pour dire leurs convictions et d�fendre leurs points de vue dans des forums comme �D�mocratie, pouvoir et �galit�s� ou encore �Paix et guerre� ont fait en sorte que l'auditorium du Palais des congr�s, du parc Chanot, un endroit o� le maire de Marseille a autoris� le Conseil r�gional du culte musulman � organiser les pri�res de l'A�d, reprennent en chœur �Mazelna Thouars�. Bien que parties en rangs dispers�s, elles ont su, et c'est tant mieux, d�passer ces querelles de leadership, qui, ici en Alg�rie, handicapent consid�rablement l'efficacit� du mouvement associatif f�minin. Leurs compatriotes, celles vivant en France, en situation irr�guli�re n'ont pas manqu� le rendez- vous de Marseille, o� l'on est fier des 281 jours d'ensoleillement par an, et qui se retrouve en ce dernier week-end de mai, le relais europ�en de la charte mondiale des femmes. Ainsi le �Collectif des femmes alg�riennes ayant subi un retour forc� en Alg�rie� n'a pas manqu� de lancer un appel pour attirer l'attention sur leur situation. �Avec beaucoup de difficult�s nous revoil� sur le sol fran�ais, o� nous avons toutes nos attaches familiales, o� nous avons fait nos �tudes, o� nous avons travaill� (…) Pourtant nous sommes en situation irr�guli�re, sans ressources, dans une situation pr�caire�, soulignent Nac�ra, Amaria, Louisa et Sa�da qui racontent comment des femmes alors en situation r�guli�re ont �t� envoy�es en Alg�rie, leur pays d'origine, pour y subir des mariages forc�s. De retour en France, elles sont dans l'attente d'une r�gularisation, tout comme le sont d'autres Alg�riennes, qui y sont depuis la fin des ann�es 90 et qui ont vu leur demande d'asile refus�e. �On ne quitte pas son pays de gaiet� de cœur, nous avons transgress� les normes dominantes de la soci�t� et nous avons refus� le diktat des int�gristes �, nous dira Samia, une des signataires de la lettre adress�e en octobre 2004 au pr�sident fran�ais auquel elles demandaient d'interc�der aupr�s du ministre de l'Int�rieur pour r�gulariser leur situation. L'impossible combat des immigrantes Dans leur lettre, elles affirment qu'en d�pit de ce que les politiques alg�riens d�clarent �dans notre pays, il n'y pas de loi, ni de volont� politique pour prot�ger les femmes contre les violences. Le code de la famille n'a m�me pas �t� abrog�. Pour Nouria, une autre signataire, le retour en Alg�rie n'est pas envisageable, �tant que l‘on parle d'amnistier les terroristes criminels et les violeurs, je refuse d'entendre parler de retour…� Elle s'en arr�tera l� press�e par une Turque qui l'informait qu'elle devait �speeder� si elle ne voulait pas rater le train pour son retour � Paris. Une ville o�, nous dit-elle, des femmes de Turquie se sont organis�es en association pour revendiquer entre autres �le droit au s�jour pour les femmes migrantes victimes de violences conjugales.� Souvent elles perdent ce droit d�s qu'elles divorcent, nous explique un peu plus tard Val�rie qui a pris part � �l'espace migrantes� consacr� lors de cette marche aux droits des femmes immigr�es. �Dans son rapport de mars 2005, l'Onu reconna�t qu'au niveau mondial, les femmes migrantes sont reconnues parmi les groupes de femmes dont les droits sont les plus bafou�s� indique Aline Vergnon, pr�sidente du Graif, une des associations qui a co-organis� �l'espace migrantes�. Un forum o� les Iraniennes comme les Kurdes se sont, nous dit-on, longuement exprim�es. Tout comme l'ont fait les centaines de femmes qui ont particip� � l'�tape marseillaise de la marche mondiale. La procession tout en couleurs et en slogans qu'elles ont form�e au d�part de la Porte d'Aix, pour une boucle dans la ville natale de Zidane, fiert� marseillaise, en est l'illustration. Elles ont march� apr�s s'�tre regroup�es � la place de la Porte d'Aix, tr�s anim�e en ce samedi 28 mai. Plusieurs de nos compatriotes immigr�s, dont c'est le lieu de rendez- vous quotidien, n'ont pas manqu� d'assister � l'animation musicale, une des activit�s de la marche. Ces hommes, dont la majorit� habitent encore dans les foyers de la Sonacotra, regardaient �bahis ces femmes libres de leur corps et de leur t�te revendiquer le droit � l'�galit� et d�noncer les reculs sociaux. Chose qu'elles se sont promis de continuer � faire dans leurs pays respectifs en attendant l'�tape africaine de la marche le 17octobre prochain � Ouagadougou. Au Burkina-Faso, comme en France, et au Br�sil, l'adh�sion � la Charte de la marche mondiale des femmes � Kigali le 10 d�cembre dernier est la condition de participation � cette manifestation. Il est �vident qu'il y sera question encore du port du voile, de la prostitution, du droit au travail, du refus du patriarcat, de la la�cit�, de la solidarit�, du droit de disposer de son corps, et bien d'autres droits encore. Les revendications des Europ�ennes sont loin de celles des Sud-Am�ricaines, Celles des Iraniennes ne sont pas celles des Chypriotes qui militent pour l'unification de leur pays, ou des Maghr�bines qui veulent s'affranchir du tutorat, et encore moins celles des Africaines qui font face � mille est une contraintes… Pourtant elles ont d�cid� de �bouger ensemble, pour faire changer les choses�. Bien des marches sont � pr�voir car le chemin est encore long.