Le ministère de l'Intérieur a exprimé mercredi sa volonté de collaborer pleinement avec la Commission nationale de surveillance des élections, tout en se disant attaché aux prérogatives qui lui sont dévolues par la loi, apportant dans ce cadre des précisions sur des points "essentiels" relatifs au déroulement des législatives du 10 mai soulevés par des partis politiques. Les précisions du ministère de l'Intérieur et des collectivités locales font suite à la diffusion par la presse d'un communiqué dans lequel vingt partis font part de "leur appréciation sur ce qu'ils considèrent comme un refus de collaboration avec la commission de la part du ministère". Cette appréciation concerne au moins quatre points, à savoir la liste électorale unique, l'inscription groupée, le financement de la campagne électorale et la représentation féminine. Concernant le point relatif à la liste électorale unique, le ministère de l'Intérieur a indiqué, dans un document rendu public, que la commission lui a "effectivement suggéré" de soumettre aux électeurs un bulletin unique comportant la totalité des listes électorales au lieu et place des bulletins propres à chaque liste. "Cette proposition n'a pas été retenue pour des raisons de fond et de forme", a expliqué le ministère. Sur le plan du fond, a-t-il rappelé, la loi organique 12-01 du 12 janvier 2012 relative au régime électoral énonce dans son article 32 qu'"il est mis à la disposition de l'électeur, le jour du scrutin, des bulletins de vote dont le libellé et les caractéristiques sont définis par voie réglementaire". Dans chaque bureau de vote, stipule l'article, des bulletins de vote de chaque liste de candidats sont disposés comme suit : pour les candidats à l'élection de l'Assemblée populaire nationale, selon un ordre établi par tirage au sort, au niveau local, par la commission nationale de surveillance des élections. Pour le ministère de l'Intérieur, la lecture de cet article de loi "se passe de toute interprétation différente". Il a estimé que les dispositions de cet article situent légalement les responsabilités des uns et des autres dans le sens où "le libellé et les caractéristiques du bulletin sont du ressort exclusif de l'administration" et "il s'agit bien de bulletins au pluriel et la commission nationale de surveillance des élections est chargée d'en établir par tirage au sort l'ordre de présentation pour l'ensemble des bureaux de vote de chaque circonscription électorale". Au plan de la forme, les électeurs algériens ont toujours voté depuis l'instauration du pluralisme politique par le choix d'un bulletin représentatif d'une formation politique donnée, a encore rappelé le ministère de l'Intérieur, considérant que "toute autre méthode, surtout celle qui consiste à mettre sur une seule feuille des dizaines de listes difficiles à identifier, ne peut qu'ajouter à la confusion avec les risques de nullité découlant du mode de sélection juste par un signe de croix". "De plus, la taille de ce bulletin unique même s'il est présenté sous forme de dépliant ne peut que correspondre au format réglementaire de l'enveloppe et de l'ouverture de l'urne, sans omettre la difficulté majeure de sa lecture au moment du dépouillement", a noté la même source. Le ministère de l'Intérieur a indiqué que ces explications ont été fournies au président et aux membres de la commission. "Il est surprenant aujourd'hui que celle-ci en fasse une exigence, fortement appuyée par les partis sus-mentionnés", s'est-il étonné. "Le ministère a laissé entendre aux membres de la commission que si sa réponse leur paraissait insuffisante ou infondée, il leur appartient de solliciter l'arbitrage du Conseil constitutionnel, seul autorité qualifiée pour interpréter la loi". S'agissant du point relatif à l'inscription de manière groupée d'électeurs appartenant à l'Armée nationale populaire, il a expliqué que "cette forme d'inscription ou plutôt de réinscription a été pratiquée depuis toujours s'agissant d'un corps constitué dont les éléments sont en perpétuel mouvement, ce qui explique, a-t-il précisé, qu'il n'a pas été jugé utile que l'article de la loi sus-citée soit modifié ou fasse l'objet d'un renvoi à une disposition réglementaire". Le ministère de l'Intérieur a affirmé, à ce sujet, qu'"il n'y a pas eu de volonté de transférer des électeurs d'une région à une autre pour influencer le résultat des scrutins", faisant remarquer que "ces personnels sont des électeurs légitimes inscrits dans différentes listes électorales et chaque transfert vers une nouvelle circonscription est accompagné d'une radiation de la liste électorale de la résidence précédente". "Les transferts d'inscription ont été opérés dans les délais légaux, soit pendant la période de révision exceptionnelle, soit immédiatement à la fin de celle-ci, durant la période ouverte aux recours", a-t-il encore fait remarquer. Pour le ministère de l'Intérieur, l'administration "n'a interféré nullement" dans cette opération puisque les dossiers ont été examinés par les commissions électorales communales présidées par un magistrat et, dans les cas de rejets, par les instances judiciaires du ressort. "Si certaines inscriptions ont été acceptées, d'autres, beaucoup plus nombreuses, ont été rejetées privant de ce fait des milliers de citoyens en uniforme de leurs droits constitutionnels", a signalé la même source. "Le ministère de la Défense nationale et celui de l'Intérieur ont respecté les décisions arrêtées qui ont un caractère définitif", aussi "ce dossier doit être considéré clos", est-il souligné dans le document. Concernant le troisième point relatif à l'aide souhaitée de l'Etat par les partis politiques pour la couverture des dépenses afférentes à la campagne électorale soulevée par la commission, le ministère de l'Intérieur a indiqué que "celle-ci est effectivement envisagée dans l'article 203 de la loi organique, en tant qu'éventualité mais aucun moyen de financement n'a été prévu pour ce scrutin". "Il reste acquis cependant que dans un contexte analogue, la loi organique relative aux partis politiques a prévu une dotation financière à chaque parti, en fonction du nombre de sièges obtenus à l'issue du scrutin. Le montant de cette dotation sera fixé par voie réglementaire", a-t-il relevé. Pour le quatrième point relatif aux préoccupations des membres de la commission quant aux mécanismes de dévolution des sièges en faveur des femmes candidates, "la loi organique relative à cet objet en a précisé les principes et les contours" et "une grille de lecture a été élaborée et se trouve actuellement au niveau des experts". Le ministère de l'Intérieur a fait savoir que "les directives nécessaires seront données prochainement à l'ensemble des entités chargées de son application avec, évidemment, une transmission prioritaire aux membres de la Commission nationale de surveillance des élections". A travers ces précisions, le ministère "veut apporter la preuve qu'il n'a pas pour volonté de gêner le travail de la Commission nationale de surveillance des élections, bien au contraire puisqu'il a apporté, dès le départ, toute son assistance logistique, matérielle et organisationnelle pour son bon fonctionnement". "Il tient cependant, a-t-il ajouté, à défendre les prérogatives qui lui sont dévolues par la loi, tout en restant très attentif aux préoccupations légitimes des membres de la commission afin de veiller à la réussite d'un objectif légalement partagé qui constitue le socle de la politique de transparence et de vérité souhaitée par les plus hautes autorités du pays". Il a affirmé que, "pour un travail constructif, il s'agit d'agir de concert pour permettre aux citoyens de faire le 10 mai prochain un choix responsable, libre et souverain". "Pour ce faire, le contrôle et le suivi de l'ensemble des phases du processus électoral sont nécessaires et importants", a indiqué le ministère, notant que "la commission s'y emploie". "Le contentieux qui l'oppose au ministère de l'Intérieur tient au fait que sur au moins deux points, la liste unique et les inscriptions groupées, la commission passe de la suggestion à l'insistance pour aboutir à l'exigence, ce qui ne saurait être accepté sachant que ses propositions ne sont pas fondées et ne font pas l'unanimité au sein de la commission", selon le document. Le ministère de l'Intérieur a souligné, enfin, la nécessité "que les uns et les autres reviennent à plus de sérénité devant une opinion publique qui a besoin de croire en ceux qui ont la charge de l'accompagner pour accomplir les devoirs citoyens au profit de l'Algérie du changement".