"Je ne veux qu'un lendemain meilleur pour mon village meurtri, pour ma wilaya et pour mon pays", crie presque Mme Louisa Lemouchi (53 ans), qui attend dans une longue file son tour de voter, 20 ans après, dans sa commune de Larbaâ, dans la wilaya de Batna. Animés de beaucoup d'espoir, les habitants de cette commune à 50 km de la ville de Batna ont afflué en force vers le centre de vote, rouvert pour les élections législatives de 2012 vint ans après sa fermeture à cause des groupes terroristes qui avaient transformé les 15 hameaux de la commune, lors de la tragédie nationale, en villages fantômes, a constaté l'APS. Ils sont des centaines de jeunes gens, d'hommes, de femmes, de personnes âgées et même d'enfants à vouloir également faire de cette journée historique ''une occasion de retrouvailles'' après avoir été dispersés par le terrorisme, qui avait contraint les dernières familles à fuir leurs maisons en 1994. Ce jeudi, ils s'y trouvent de nouveau, visiblement heureux, certains en larmes, fermement déterminés à accomplir leur devoir électoral ''pour l'Algérie et pour le retour à la vie de Larbaâ", clament ses habitants. La route montagneuse reliant ce village à la ville de Batna a connu, tôt le matin de jeudi dès 6 heures, un mouvement inaccoutumé de voitures et d'autobus venus de Tazoult, de Aïn Touta et de Bouzina. Chaque habitant voudrait être "le premier" à voter dans cette commune où le dernier scrutin a été organisé le 12 juin 1992 à l'occasion des élections locales. Sur la place centrale du village, non loin du siège de l'ancienne mairie, à Iguelmamen où quatre bureaux de vote ont été installés (2 pour les hommes et 2 pour les femmes) et sur le fronton desquels flotte le drapeau national, les habitants se sont regroupés en masse pour accomplir leur devoir électoral, réaffirmant leur ferme volonté de retrouver la terre de leurs aïeux. L'ambiance est digne d'une grande fête. Certains se revoient après 20 ans de séparation. Mme Louisa Lemouchi affirme ne pas croire ses yeux d'être enfin à Larbaâ, qu'elle a quittée il y a deux décennies pour s'établir à Tazoult. "Je suis là aujourd'hui pour répondre à l'appel lancé par le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, et aussi parce que j'ai foi en mon pays", dit-elle. Le jeune Fouad Badda, 20 ans, exprime son ''bonheur'' de pouvoir glisser, pour la première fois, un bulletin de vote dans une urne : ''je suis fier d'avoir accompli mon devoir et d'avoir été l'un des premiers à le faire à Larbaâ", dit-il avant d'ajouter que cela prouve que ''l'algérien est quelqu'un sur qui l'on peut compter lors des moments importants''. Fouad, étudiant en première année en Sciences et technologie à l'université de Batna, se souvient des conditions ''atroces'' dans lesquelles il avait dû, avec toute sa famille, quitter le village. Il espère, plus tard, s'y établir pour ''travailler la terre en mettant en pratique ses connaissances universitaires et participer, ainsi, au repeuplement de Larbaâ''. Hadj Badda (70 ans), Moudjahid et agriculteur, tient, de son côté, à ce que personne n'oublie les atrocités vécues par les habitants de la commune durant la tragédie nationale. ''Garder nos souffrances en mémoire et les raconter à nos enfants et à nos petits-enfants, renforcera l'attachement de tous à cette petite commune qui reste une partie de ce grand pays qui unit tous les algériens'', dit-il. En début d'après-midi, pendant qu'un soleil de plomb dardait ses rayons, de longues files d'attente étaient encore visibles devant l'unique centre de vote de Larbaâ. Devisant entre eux, les habitants de Larbaâ, tous âges confondus, attendent patiemment de voter. Ils ne parlent pas û ou si peu û de partis ou de politique. Ils veulent juste un avenir meilleur pour leur village qui a tant souffert, mais qui a pansé ses blessures et revient progressivement à la vie. ''Je n'ai qu'un seul parti : c'est l'Algérie !'', clame Hakima Lemouchi, une mère de famille de 44 ans, enseignante de son état, surprise et rougissant un peu d'entendre des applaudissements nourris, provenant de la file d'attente, répondre à son exclamation.