La production laitière nationale ne pourra pas se développer sans l'augmentation de la production fourragère, un élément clé pour atteindre l'autosuffisance en lait et sur lequel l'Etat devrait mettre le paquet et trouver des mécanismes d'aides aux agriculteurs, estiment, dimanche à Alger, des spécialistes de cette filière. "Pour produire du lait, il faut d'abord produire des fourrages. Si on n'assure pas une bonne alimentation, saine et équilibrée au bétail, nous ne pourrons pas maîtriser les autres facteurs de production, tel que la santé animale", a indiqué le président du Conseil interprofessionnel du lait (CIL), Mahmoud Benchekor. Ce responsable s'exprimait en marge d'un symposium international sur la filière lait et process organisé en marge du 12 ème Salon international de l'élevage et de l'agroalimentaire (SIPSA-agrofood). Or, en Algérie, "nous avons un grand déficit en fourrages pour l'alimentation du cheptel, tout types confondus". Après avoir redynamisé la filière et créé une dynamique au sein des acteurs, l'interprofession engage désormais une réflexion sur l'identification des moyens et des techniques pouvant améliorer la production laitière, c'est "comment se rapprocher des besoins de la consommation nationale et atteindre, à terme, l'autosuffisance en lait", s'interroge M. Benchekor. "Le moment est venu de parler de rendement et de productivité", a-t-il ajouté. Pendant plus de 30 ans, l'Algérie importait des vaches laitières à haut potentiel génétique, qui produisent dans leurs pays plus de 6.000 litres de lait par lactation, alors que la moyenne nationale n'a jamais dépassé les 3.500 litres par lactation. "Si nous arrivons à régler ce problème (l'alimentation ndlr), tous les autres facteurs limitant pourraient être levés", note cet éleveur de la wilaya d'Oran. Pour lever cette contrainte, les pouvoirs publics devraient mettre à la disposition des agriculteurs des ressources hydriques nécessaires en mobilisant l'eau des barrages et celle issue du recyclage dont l'Algérie ambitionne de récupérer plus de 600 millions de m3 à l'horizon 2014. Le système de goutte à goutte est fortement recommandé pour économiser l'eau. Pour ce faire, l'Etat devrait accorder des aides "attractives" s'étalant sur une longue durée en vue de permettre l'ancrage des éleveurs professionnels et leur stabilisation dans la filière, recommande M. Benchekor. Le coût à l'hectare irrigué au goutte à goutte est estimé à 60.000 DA, ce qui grèverait le coût à la production du kilogramme d'ensilage, alors que l'Etat donne 6.000 DA/ha de soutien aux cultures fourragères, "ce qui n'est pas suffisant", selon cet éleveur. Pour lui, 250.000 à 300.000 ha irrigués pourront produire suffisamment de fourrages pour nourrir 1,5 million de vaches laitières, ce qui donnera l'équivalent de 7 milliards de litres à raison de 6000 litres par lactation par an. Les besoins de l'Algérie en produits laitiers sont évalués à 5 milliards de litres équivalent en lait par an dont 1,6 milliard de litres de lait en liquide, produits actuellement à base de lait cru et de la poudre. L'intervention des pouvoirs publics pour soutenir la production fourragère "s'avère aujourd'hui nécessaire vu l'intérêt exprimé par quelques opérateurs sur le terrain", estime M. Benchekor. "Le maïs fourrager et la luzerne sont les deux cultures clés qu'il faut développer et accompagner en Algérie", estime pour sa part M. Soukhal, expert et membre de la Fondation ''Filaha innov''. "Nous devons mettre le paquet sur ces culture et trouver des mécanismes d'aide de l'Etat qui permettent de créer un système économique de production et de conservation des fourrages", a-t-il recommandé. Les experts intervenant lors de ce symposium ont beaucoup insisté sur l'alimentation, l'hygiène de l'élevage et la conduite tu troupeau. Mais, "s'il ne fallait retenir de ces trois éléments qu'une seule chose, l'alimentation", a indiqué le directeur général de Bretagne International, Marc Gillaux. Enfin, selon ces experts, l'état actuel des étables en Algérie "est loin de réunir les conditions pour des rendements dignes d'exploitations compétitives". Les professionnels recommandent à cet effet de revoir les mécanismes prévus par le dispositif d'aides à la réhabilitation et à la modernisation des étables.