La Cimade, une ONG chargée du droit des migrants a dénoncé jeudi une législation française en matière d'éloignement forcé des étrangers, marquée par "le recul" du pouvoir des juges au bénéfice de celui de l'administration. Une politique, dit-elle, "qui aura mis sous pression une administration et une police tenues de réaliser des quotas d'expulsion et de moins en moins contrôlées par les juges". Le premier défi du gouvernement, estime cette ONG, consistera à expliquer qu'une grande partie des expulsions réalisées ces dernières années ne "concernaient pas des clandestins dangereux pour la France", qu'au fond, les migrants "sont une chance et non un danger" et qu'un gouvernement "n'est pas moins pertinent et efficace parce qu'il enferme et expulse moins". La Cimade relève aussi que le second défi consistera à rétablir la justice et à revoir "en profondeur" le rôle de l'administration, soulignant que "la volonté de rassembler plutôt que diviser doit effectivement conduire à un examen attentif des situations individuelles par l'administration, du guichet des préfectures jusqu'à des décisions aussi graves qu'une expulsion précédée d'un enfermement". Les promesses du président François Hollande de mettre fin à la politique du chiffre et à l'enfermement systématique "sont un premier pas dans ce sens", estime-t-elle. Elle propose, qu'en attendant une réforme législative, le nouveau gouvernement peut commencer par veiller à l'application de la loi et par prendre en considération les décisions quotidiennes des magistrats. "Tant le droit français qu'européen prévoient que l'enfermement des étrangers visés par une expulsion doit être envisagé en dernier recours, après l'examen attentif de leur situation et la mise en £uvre de mesures moins coercitives", rappelle-t-elle. La Cimade indique aussi que chaque jour, les préfets décident d'enfermer des centaines de migrants en rétention et que chaque jour, les juges administratifs annulent ces décisions pour la maigre partie des étrangers qui ont encore la chance de pouvoir les saisir efficacement. Elle déplore en outre que sous la pression de la politique du chiffre, les préfets enferment chaque jour illégalement des étrangers qui disposent d'un logement ou ne se sont jamais cachés et qui devraient être assignés à résidence ou régularisés. Des familles avec leurs enfants alors que la Cour européenne des droits de l'Homme a sanctionné le système français en 2011 qui ne tient pas compte de leur intérêt supérieur. Des personnes qui devraient obtenir un titre de séjour, relevant que la liste "est interminable". La Cimade dénonce également le fait que la loi prévoit que tout étranger peut contester son placement en rétention dans un délai de 48 heures, ajoutant cependant que ce recours ne suspend pas l'éloignement et que les étrangers peuvent faire un recours et être expulsés avant même d'avoir rencontré un juge. Du point de vue de la Cimade, cette disposition est contraire aux engagements internationaux de la France qui garantissent le droit à un recours en cas de privation de liberté. Elle déplore également le fait qu'en l'absence de directives contraires de la part du gouvernement et sous la pression de la politique du chiffre, la plupart des préfectures expulsent des étrangers qui ont déposé un recours avant même que l'audience ne se tienne.