Des artistes peintres internationaux qui ont exprimé leur opposition au colonialisme français pendant la guerre d'indépendance de l'Algérie ont été "durant des années censurés en France et en Europe", a affirmé, jeudi à Alger, l'historienne algérienne Anissa Bouayed. "Il existait des foyers de résistance artistique en Europe qui ont exprimé leur opposition au colonialisme français, mais ces peintres ont pendant des années souffert de la censure", a rappelé l'historienne lors d'une rencontre sur le rapport des plasticiens européens à la révolution algérienne, animée dans le cadre du 17e Sila. L'auteure en 2007 de "L'art et l'Algérie insurgée", a évoqué les œuvres de peintres européens et sud-américains, à l'exemple du peintre français André Masson, de l'italien Cremenoni ou encore du peintre chilien Matta, dont certaines sont "restées chez les familles de ces derniers jusqu'à la fin des années 90", date à laquelle "un travail de mise à jour à été entrepris" a-t-elle estimé. En permettant l'exposition de ces œuvres, l'Etat français "aurait versé au patrimoine des œuvres qui le condamnent", une situation "inconcevable" pour lui à cette époque, a-t-elle expliqué. La censure de ces tableaux s'est aussi exercée ailleurs en Europe où "Le Gand tableau anti-fasciste collectif", réalisé par plusieurs peintres internationaux dénonçant la violence coloniale pendant la guerre d'Algérie, a été saisi par la police italienne lors de l'exposition internationale "Anti-procès" organisée à Milan (Italie) en 1961, a encore dit l'historienne. Elle a également évoqué un "décalage" entre la vision de la société française de la réalité coloniale et le travail de ces peintres, dû à la "forte présence de l'idéologie coloniale" dans la société, notamment à travers les manuels scolaires, ainsi qu'à "une dépréciation de l'art engagé ou de l'art politisé" dans les milieux artistiques. Malgré cette ambiance, a poursuivi la chercheure, des artistes ont cherché "depuis les massacres d'août 1955 (dans le Constantinois), à exprimer des réalités absentes du discours politique de l'époque comme la torture". Pour l'historienne, ces œuvres étaient en majorité orientées vers l'art abstrait, seul moyen, selon elle, pour ces artistes de s'exprimer sur le fait colonial en Algérie. L'expression de l'horreur ayant toujours été présente dans la peinture européenne, certains de ces artistes s'étaient inspirés de travaux de leurs prédécesseurs comme l'espagnol Francisco de Goya et son compatriote Pablo Picasso qui ont cherché, eux aussi, à exprimer "les atrocités du 19e, pour l'un et du 20e pour l'autre, à travers leur art.