L'arrivée de la gauche au pouvoir en France offre une nouvelle occasion de pouvoir "écrire fidèlement l'histoire de l'Algérie sous colonisation", a estimé, jeudi à Alger, la journaliste du quotidien français "Le Monde", Florence Beaugé, célèbre par ses contributions à une meilleure connaissance des exactions coloniales françaises en Algérie. Considérant que le précédent mandat présidentiel français aura représenté des années perdues pour le rapprochement entre les deux nations, Florence Beaugé s'est montré optimiste pour les années à venir qui offriraient, à son avis, de nouvelles occasions pour, a-t-elle dit, "écrire fidèlement l'histoire de l'Algérie colonisée puisque la page de la colonisation ne peut être tournée sans être écrite". La journaliste s'exprimait dans le cadre du programme du 17e Salon international du livre d'Alger (Sila) à l'occasion d'une conférence sur le thème : "L'indicible de la guerre d'Algérie : torture et crimes coloniaux", réunissant aussi les auteurs et historiens Claude Juin et Yves Salvat, tous deux anciens soldats du contingent, ainsi que la Moudjahida Louisette Ighilahriz. Florence Beaugé a par ailleurs affirmé que les Algériens ne demandaient pas aujourd'hui la repentance mais la reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux. "L'opinion publique française se trompe en croyant que l'Algérie attend une repentance, alors qu'elle réclame la reconnaissance des crimes de guerre commis par l'armée coloniale", a-t-elle observé. La journaliste, qui a beaucoup enquêté sur les crimes de l'armée française en Algérie, la torture et les viols de femmes algériennes par les soldats de l'armée coloniale, a souligné qu'il n'était "plus possible de continuer éternellement à mettre dos à dos les crimes de l'armée coloniale et les (supposées) +violences du FLN+", en mettant en avant la notion religieuse de la repentance, qui ne serait à l'heure actuelle d'aucune utilité. Dans la continuité du combat mené par Louisette Ighilahriz contre ses tortionnaires, Mohamed Garne, présent à la conférence, fils de Khaïra Garne torturée et violée par plusieurs soldats français à l'âge de 16 ans, entame lui aussi le même combat en introduisant une plainte contre l'armée française pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Né d'un viol collectif de militaires français, Mohamed Garne présente son témoignage sur un crime effroyable dans son livre "Français par le crime, j'accuse !" paru en 2010 et préfacé par Louisette Ighilahriz. Pour sa part, Claude Juin, qui présente aussi son livre "Des soldats tortionnaires. Guerre d'Algérie : des jeunes gens ordinaires confrontés à l'intolérable" édité chez Média-plus, vient par son témoignage de soldat du contingent (appelé du service militaire) appuyer le récit de Louisette Ighilahriz sur les atrocités commises par les soldats français en partant de son expérience personnelle vécue à Bordj Menaiel. L'historien a fait observer que la presse française subissait, à l'époque, les affres de la censure, isolant ainsi l'opinion publique des réalités de la guerre et la confortant dans sa "vision civilisatrice de la colonisation, enseignée à l'école française". Les deux auteurs et anciens soldats du contingent Yves Salvat et Claude Juin ont témoigné quant à eux de l'existence, sous l'occupation française, de "crimes de guerre atroces en Algérie" du fait que "beaucoup de soldats avaient alors perdu toute humanité". Dans ses recherches, qui ont abouti à l'œuvre présentée au Sila, Claude Juin a dit ne pas comprendre comment "la France +pays des droits de l'homme+ qui avait vaincu +le mal+ en 1945 était capable de tels atrocités", et n'est toujours pas capable aujourd'hui de régler ses comptes avec le passé comme "l'a pourtant fait l'Allemagne". Inauguré le 20 septembre, le 17e Salon international du livre d'Alger se poursuivra au Palais des expositions jusqu'au 29 du mois.