Pétrole, délimitation des frontières, circulation des personnes : le Soudan et le Soudan du Sud peinent à résoudre leurs différends, un an et demi après la sécession, devant l'incapacité de la communauté internationale à trouver des solutions aux crises dans cette région de l'Afrique. Les deux Etats ne sont pas parvenus, durant l'année qui s'achève, à aplanir leurs divergences sur des dossiers aussi sensibles, en dépit des multiples rencontres qui ont réuni leurs représentants sous la médiation de l'Union africaine. Après l'indépendance du Soudan du Sud de son voisin, intervenue à la faveur d'un référendum sur l'autodétermination, prévu dans l'accord de paix global (CPA), signé à Nairobi en janvier 2005, et qui avait mis fin à plus de deux décennies de guerre civile sanglantes entre le Nord et le Sud (1983-2005), les tensions restent toujours vives le long des frontières entre les des deux pays et, aux yeux des analystes, les risques de dérapages sont toujours à craindre. L'indépendance du Soudan du Sud est intervenue sans que soient résolus une série de désaccords sur le tracé des 1.800 km de frontière commune, en particulier l'appartenance de régions pétrolifères essentielles à l'économie locale. Le statut de la zone contestée d'Abyei Les questions du statut de la zone contestée d'Abyei et de la démarcation de la frontière sont ainsi en suspens depuis l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011. Un conflit armé entre les deux voisins a été évité de justesse au printemps dernier et un climat de suspicion mutuelle est venu jeter son ombre sur le cours de négociations difficiles menées sous l'égide de l'organisation panafricaine. Pour résoudre ce différend, l'UA propose d'organiser un référendum par lequel la population d'Abyei déciderait de rallier le Soudan du Sud ou le Soudan. Prévue dès janvier 2011, cette consultation avait dû être alors repoussée en raison de divergences sur la composition du corps référendaire, c'est à dire les personnes qui pouvaient y prendre part. Pire, l'année 2012 a été marquée au Soudan par le déclenchement, entre fin mars et début mai d'affrontements sanglants à la frontière, notamment dans la région de Heglig, située dans une riche zone pétrolière en territoire soudanais mais revendiquée par Juba. Juba souhaite que le statut de cette région soit réglé grâce à un arbitrage international. Enclavé, le pays nouvellement indépendant a hérité des trois quarts de la production de pétrole du pays d'avant la partition. Le pétrole, une odeur de brulis Les frais de passage du pétrole à payer par Juba exigés par Khartoum ont encore envenimé la situation. Pendant des mois, les deux pays ont tenté vainement de trouver un terrain d'entente sur cette question. Déçue, Khartoum a alors décidé de se payer en nature en prélevant du pétrole à son passage dans ses oléoducs, soulevant l'ire de Juba. Le Soudan du Sud, qui a hérité de 75% des réserves de brut du Soudan d'avant la sécession mais dépend pour son exportation des infrastructures du Nord, avait stoppé en janvier sa production, furieux que Khartoum ait prélevé de son brut pour se payer, faute d'accord alors sur le montant de ces redevances. L'arrêt de la production pétrolière de Heglig a affaibli encore un peu plus l'économie du Soudan, déjà mise à mal par la partition qui a laissé les trois-quarts des réserves pétrolières au voisin du Sud. A ceci, sont venues se greffer d'autres tensions, Khartoum accusant Juba de soutenir les rebelles du Mouvement de libération des peuples du Soudan (SPLM-N) dans les Etats soudanais du Nil Bleu et du Kordofan Sud. Mais sous la pression des médiateurs, les deux Etats ont fini par signer, en septembre à Addis-Abeba, une série d'accords de sécurité et de coopération, prévoyant notamment la mise en place d'un "Mécanisme politique et de sécurité conjoint" et d'une "zone frontalière démilitarisée". Des accords concernant le statut des ressortissants de chacun des deux Etats sur le territoire de l'autre, et le commerce ont également été conclus. Les autorités des deux pays ont voulu prendre des gages pour l'avenir, rivalisant de volonté d'apaisement. Le président sud-soudanais Salva Kiir s'est félicité de ces d'accords, considérant même qu'ils mettaient "un terme à un long conflit entre nos deux pays". Son homologue du Nord Omar El Bachir s'est engagé de son côté à "continuer avec le même esprit à chercher des solutions pour les questions non résolues encore en suspens". Mais plus de deux mois après leur signature sous la médiation de l'Union africaine, les accords de septembre, qui prévoient une zone tampon démilitarisée à leur frontière commune et une reprise de la production pétrolière du Soudan du Sud, sont restés lettre morte et rien ne laisse présager de leur mise en application dans un avenir proche. Les analystes estiment que les relations entre Khartoum et Juba ne reprendront leur cours normal qu'après le règlement des dossiers de la sécurité et du pétrole. Selon l'ONU, plus de 900.000 personnes sont profondément affectées par le conflit entre les deux voisins.