Après l'escalade verbale, la guerre. Bombardements aériens, tirs d'artillerie lourde : chacun estime être dans son bon droit, en situation de défense, et accuse l'autre d'avoir lancé l'offensive. Les deux Soudans s'affrontement à leur frontière depuis fin mars, dans les pires combats depuis l'accession à l'indépendance du Sud en juillet dernier. Motif : l'or noir. L'émissaire américain pour le Soudan et le Soudan du Sud, Princeton Lyman, est à Khartoum depuis hier pour tenter d'apaiser les tensions grandissantes depuis quelques semaines entre la capitale du nord du Soudan et Juba, celle du Sud. Depuis fin mars, les armées des deux Soudans s'affrontent dans la région frontalière, essentiellement autour de la zone pétrolière de Heglig. La situation s'est encore envenimée la semaine dernière quand l'armée du Soudan du Sud a pris cette zone stratégique aux troupes soudanaises, affirmant défendre à tout prix ce champ pétrolifère frontalier. A Khartoum, on considère désormais le gouvernement du voisin du Sud comme l'”ennemi”. Le président El-Bachir a mobilisé son armée. “Si les troupes soudanaises avancent vers Heglig, la SPLA (armée sud-soudanaise issue de la rébellion contre le nord du pays) est prête à les repousser”, a assuré Juba. A la frontière entre les deux Etats où les affrontements armés ont repris de plus belle fin mars entre les deux armées, la situation est fragile et la tension très élevée. Des actes de sabotage ont eu lieu sur les champs pétrolifères, notamment à la périphérie de Heglig, déclenchés, selon le Soudan du Sud, par des bombardements de l'aviation du Nord. Les hostilités avaient été ouvertes par Khartoum, qui a brutalement envahi la région, alors que les négociations sur le partage de son pétrole avaient été gelées. Les troupes de Juba ont chassé leurs homologues soudanais fin mars pour s'y positionner durablement. Selon l'accord de dépeçage du Soudan, parrainé directement par Washington, cette région devait être une sorte de condominium. Mais le gouvernement de Khartoum n'a pas lâché la proie, décrétant la région partie prenante de son Etat fédéral, sous l'appellation de Kordofan-Sud, avec Heglig comme capitale ! Le Parlement de Khartoum a même qualifié mardi dernier d'”ennemi” le gouvernement de Juba. Heglig, dont Juba dit qu'elle ne se retirera pas tant que Khartoum occupera une autre région disputée, Abyei, fait partie des nombreuses zones frontalières que revendiquent toujours les deux Soudans, neuf mois après l'indépendance du Sud. Le différend sur le tracé de la frontière commune est, avec des accusions réciproques de soutien à des groupes rebelles et le partage des ressources pétrolières du Soudan d'avant sécession, la source de tension Nord-Sud. A l'indépendance, Juba a hérité des trois quarts des réserves de brut. Et Heglig assure à elle seule aujourd'hui environ la moitié de la production de pétrole du Nord. La région est donc ultrastratégique pour Khartoum, qui n'entend pas la laisser échapper. Khartoum a claqué la porte de négociations destinées, sous l'égide de l'Union africaine, à apaiser les tensions, et les deux capitales semblent rester sourdes aux appels à la retenue de la communauté internationale. Le département d'Etat américain a pour sa part condamné fermement le bombardement de la mission de l'ONU au Soudan du Sud par les forces armées soudanaises, mais il a également appelé le Soudan du Sud à retirer ses forces immédiatement et sans conditions de Heglig. D. B.