Tindouf) - Dans les camps des réfugiés sahraouis à Tindouf, la vie est rythmée par le défi de survie qui passe par une gestion rationnelle des ressources, d'autant que l'alimentaire est tributaire en grande partie de l'aide étrangère. La survie suppose aussi de dompter des conditions climatiques des plus hostiles. C'est un vent particulièrement fort qui souffle en ce mois de mai sur la daïra du "24 février", l'un des camps des réfugiés sahraouis érigés dans la wilaya de Tindouf, au sud-ouest algérien. La vue d'ensemble est quasi lunaire, le vent soulevant le sable à perte de vue, donnant un cachet de désolation accentué par la rareté des passants en ce début d'après-midi plutôt chaud. Les tentes renforcées par d'infinies précautions pour leur maintien en place côtoient les maisons en toub (argile). Il n'est pas rare que les fortes rafales démontent les fondations des toiles qui auront nécessité tant d'efforts pour leur installation. Des centaines d'habitations qui abritent des milliers de familles et qui donnent un aperçu sur l'expansion ayant caractérisé ce camp : se limitant au départ à une école et quelques tentes alentour, le site n'a cessé de s'agrandir et continue à mesure qu'il accueillait des réfugiés d'autres daïras plus lointaines. Sa proximité du chef-lieu de Tindouf (25 km) y rend la vie relativement plus supportable qu'ailleurs, les commodités de base étant plus disponibles, notamment l'eau, l'électricité et le transport. Chaque famille a droit à une ration alimentaire limitée que les ménagères s'attèlent à utiliser de la manière la plus rationnelle qui soit. Le quota destiné à chaque individu est composé d'un kg de lentilles, autant de blé, de riz, 500g de sucre, 1 litre d'huile. Les haricots secs sont inclus mais de manière moins régulière alors que le thé, consommé en grande quantité, est acheté. Selon la saison, les réfugiés sont approvisionnés par les services du gouvernement sahraoui en oignons, pommes de terre et carottes à raison de 4 à 5kg par individu, une fois le trimestre, voire plus. Une exploitation agricole de centaines d'hectares située à Hassi Rabouni fournit, en effet, une partie des besoins en légumes des camps les plus proches. Les autres formes d'aides étrangères comme les habits ont sensiblement baissé en raison de la crise économique en Europe, notamment d'Espagne, ce qui contraint les réfugiés à devoir acheter une partie de leurs besoins en la matière. "Même la venue des étrangers dans les camps qui fait tant le bonheur des enfants en a pâti. Leur arrivée est synonyme de beaucoup de joie pour les bambins, auxquels on offre bonbons et autres friandises ", déplore Mohamed Salek, un commerçant du camp. Une gestion parcimonieuse de l'alimentaire Fouzia entretient un foyer de quatre personnes, ses deux jeunes filles et son époux qui a pu trouver un travail il y a quelques semaines comme gardien dans la wilaya d'Aousserd (camps de réfugiés sahraouis). Son mari Ahmed a la soixantaine entamée. Des plaies sur son ventre racontent les longues années passées dans une geôle marocaine. Avec une patience infinie et entre les trois tasses de thé d'usage, il se remémore le calvaire qu'il avait enduré en compagnie d'autres prisonniers dont beaucoup ne sont plus de ce monde. "Il n'a toujours pas été payé et j'espère qu'il le sera, autrement, nous arrivons à tenir le coup grâce à l'aide qui nous parvient de nos proches qui sont ailleurs", dit son épouse Fouzia. "J'ai une s£ur qui vit en Espagne et une autre à Tindouf ", précise Fouzia. Sa voisine Mouna Mahfoudh, doit faire preuve de plus d'ingéniosité pour répartir la ration alimentaire entre les 5 membres de la famille en plus de son bébé âgé de plus d'un an. Son époux qui n'a pas d'emploi s'est reconverti en chauffeur de taxi. "Cela nous suffit à faire face aux dépenses de base, dont l'électricité qui coûte 200 DA le mois et le lait pour le petit ", précise Mouna qui soutient que même si les membres de sa famille ne meurent pas de faim, dans les camps, nombreux sont ceux qui "ne mangent pas à leur faim ". L'alimentation fortement déficitaire en fibres et autres protéines entraîne fréquemment des soucis de santé, notamment parmi les enfants et les personnes vulnérables, relève-t-on souvent. Mère de 3 enfants en bas âge, Khadidjatou se sent " impuissante " face aux soucis de santé qui affectaient parfois ses petits en raison de la malnutrition. "Heureusement que l'hôpital n'est pas très loin mais il faut payer le transport, ce qui n'est pas sans nous embêter étant donné que mon époux ne travaille pas", souligne-t-elle. Souvent, c'est la solidarité entre voisins qui nous aide à surmonter ces difficultés", lâche-t-elle dans un profond soupir. Dans les camps des réfugiés sahraouis, la vie s'égrène moelleusement mais durement. Elle est gérée en fonction de ce qu'elle offre au quotidien, et "cela dure depuis 38 ans ", tient-on souvent à le souligner pour dire le poids des ans sur l'endurance de ce peuple. Le calvaire est d'autant plus pénible à l'arrivée des grandes chaleurs où l'on "suffoque littéralement" obligeant ceux qui peuvent le faire à aller passer leur été ailleurs. "Les enfants sont les plus chanceux car une bonne partie d'entre eux séjourne en Espagne grâce à des associations humanitaires. Or, depuis la crise, le nombre de ceux qui en bénéficient s'est considérablement réduit ces dernières années", déplore Mouna.