Deux Franco-Marocains qui viennent d'être transférés en France pour y terminer leur peine, ont déposé deux plaintes contre l'Etat marocain pour "aveux extorqués sous la torture" lors de leur arrestation et leur garde à vue, a-t-on appris vendredi d'une ONG basée à Paris. "Ces plaintes ont été déposées mercredi en France et visent des agents de la Gendarmerie royale et des responsables dans ce corps de sécurité et ailleurs", a indiqué à l'APS une responsable à l'Action chrétienne pour l'abolition de la torture (ACAT), qui s'est constituée partie civile dans cette affaire. Pour Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb / Moyen-Orient à l'ACAT, l'enjeu de ces plaintes dépasse le cas des deux victimes et vise "tout le système tortionnaire marocain qui va être enfin mis sur la sellette". "A défaut de pouvoir briser la chape d'impunité au Maroc, nous le ferons en France, si tant est que l'amitié diplomatique entre la France et le Maroc ne vienne pas à nouveau primer sur le respect des droits de l'homme", a-t-elle déclaré. Adil Lamtalsi et Mostafa Naïm ont été arrêtés respectivement en 2008 et 2010 par la police marocaine, et condamnés pour crime de droit commun, dans des affaires différentes. A deux ans d'intervalle, ils auraient, selon l'ACAT, "subi les mêmes supplices : plusieurs jours de sévices au centre de détention secret de Temara, aux mains de la Direction générale de la surveillance du territoire, des aveux signés sous la torture, des magistrats complices et des plaintes pour torture restées lettre morte". Binationaux, ils se sont tournés vers la France, qui ne leur a accordé, regrette l'ACAT, qu'une protection consulaire "au rabais, au nom de la préservation de la souveraineté marocaine", avant d'être transférés en France pour y purger la fin de leur peine. L'ONG française et les avocats des victimes dénoncent le fait que la "justice marocaine a condamné Mostafa Naïm et Adil Lamtalsi sur la base d'aveux obtenus sous la torture, en violation du droit marocain et de la Convention contre la torture ratifiée par le Maroc et la France". "Les condamnations prononcées sur la base d'aveux sous la torture sont nulles et non avenues. La France ne peut pas exécuter une décision de justice fondée sur des preuves obtenues de façon déloyale et contraire à l'ordre public français. Les deux détenus devraient donc être immédiatement libérés par les autorités judiciaires françaises", a affirmé Me William Bourdon, avocat de Mostafa Naïm. Selon Mme Legeay, c'est la première fois que l'ACAT se constitue partie civile dans une affaire visant directement l'Etat marocain. "Nous sommes prêts à porter cette affaire jusqu'aux plus hautes instances judiciaires en France. Nous interjetterons appel, si des décisions en première instance nous seraient défavorables", a-t-elle affirmé. ONG des droits de l'homme, l'ACAT-France est affiliée à la Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Fiacat), ayant statut consultatif auprès des Nations Unies et du Conseil de l'Europe, et statut d'observateur auprès de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.