La décision de l'Union européenne (UE) après plusieurs tractations de lever l'embargo sur les armes pour les rebelles syriens a été critiquée par la Russie qui estime qu'elle porte un "préjudice direct" aux efforts pour une conférence internationale de paix. "L'embargo est levé en dépit de toutes les déclarations de l'UE en faveur d'un règlement basé sur la déclaration de Genève (de juin 2012), et en dépit de l'accord sur la nécessité d'organiser une conférence internationale sur la Syrie", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov. "Cela va à l'encontre de la politique de l'UE elle-même", a-t-il estimé. "C'est une manifestation de deux poids-deux mesures", a-t-il dit. La décision de l'UE de lever l'embargo sur les armes pour les rebelles et de renouveler le paquet des sanctions prises depuis deux ans contre le gouvernement syrien, a également fait réagir l'opposition syrienne. Un porte-parole de la Coalition nationale de l'opposition réunie à Istanbul (Turquie) a estimé qu'"il s'agit certainement d'un pas positif mais nous craignons qu'il ne soit insuffisant et qu'il n'intervienne trop tard". "On espère que ce sera une décision effective et non pas des paroles", a souhaité en outre un porte-parole l'Armée syrienne libre (ASL), la principale formation de la Coalition, Kassem Saadeddine. Les ministres des Affaires étrangères de 27 pays européens ont "décidé de mettre fin à l'embargo sur les armes pour l'opposition syrienne et de maintenir les autres sanctions" contre le gouvernement syrien, à l'issue d'une réunion lundi soir à Bruxelles Il s'agit "de la bonne décision" car elle "envoie un message très fort de l'Europe" au gouvernement syrien, a déclaré le ministre britannique William Hague. Cette décision va dans le sens des aspirations de la Grande-Bretagne et de la France, les deux seuls pays de l'UE qui réclamaient depuis plusieurs mois la possibilité de fournir des armes aux forces de l'opposition modérée. Pourtant, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait exprimé en début de semaine son souhait de faire avancer le projet d'une conférence de paix internationale sur la Syrie, disant qu'il allait "accueillir" lundi soir ses homologues américain John Kerry et russe Serguei Lavrov et "discuter" des préparatifs pour la tenue de la conférence internationale. M. Hague a cependant affirmé que son pays n'avait pas l'intention d'envoyer "dans l'immédiat" des armes aux rebelles. La levée de l'embargo "nous donne la possibilité de le faire si la situation se détériore". Poursuite des contacts diplomatiques pour une issue de crise Le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov, ont eu lundi à Paris un entretien consacré à la conférence de paix dite "Genève 2", dont ils sont les initiateurs, et qui doit permettre d'ouvrir des négociations entre représentants des belligérants syriens sous l'égide des grandes puissances. M. Lavrov a en revanche déclaré que l'organisation d'une conférence sur la paix en Syrie ne serait pas une "mince affaire" notamment après la décision de l'UE concernant l'embargo sur les armes. Concernant les protagonistes qui pourraient participer à la conférence, M. Lavrov a estimé que les pays ayant pris part à la première conférence de Genève en juin 2012 "ont, je crois, été acceptés". "Et nous pensons que ce cercle pourrait être élargie pour inclure tous les acteurs clefs (dans la région) qui ont un intérêt dans la situation", a-t-il ajouté sans préciser à quels pays il faisait référence. Les développements de la situation en Syrie seront au centre d'une réunion extraordinaire du Conseil de la Ligue arabe au niveau des ministres arabes des Affaires étrangères est prévue le 5 juin prochain au Caire pour tenter de dégager une position arabe autour de la conférence internationale sur la Syrie. Les chefs de diplomatie arabes, membres de la Commission ministérielle sur la Syrie avaient approuvé au Caire des éléments d'une feuille de route informelle visant une contribution arabe au succès de la conférence internationale sur la Syrie. Le ministre qatari des Affaires étrangères, Cheikh Hamad Ben Jassem Ben Jaber et le Secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil El-Arabi avaient été chargés d'entamer des contacts avec l'émissaire conjiont de l'ONU et de la Ligue arabe en Syrie, Lakhdar Brahimi. La préservation de l'intégrité territoriale et le tissu social de la Syrie et la formation d'un gouvernement d'union nationale pour une durée arrêtée par toutes les parties en prélude d'une transition pacifique au pouvoir figurent parmi les éléments contenus dans la feuille de route informelle présentée par le Qatar. Toujours dans le but de trouver une solution pacifique au conflit syrien, l'Iran accueillera mercredi une "Conférence internationale" visant à rechercher une "solution politique" à la crise qui secoue la Syrie depuis plus de deux ans. "Ce que nous allons faire à Téhéran et ce que vont faire les parties internationales à Genève-2 doit faire en sorte que les conditions soient réunies pour que les Syriens puissent décider de l'avenir de leur pays", a expliqué le vice-ministre des Affaires étrangères iranien, Hossein Amir Abdollahian, selon lequel "plus de 40 pays sont attendus, ainsi qu'un représentant de l'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan". Le but de la conférence de Téhéran est de "préparer le terrain pour mettre fin à la violence et aider à organiser des élections sous supervision internationale", a-t-il dit. La Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a estimé à l'ouverture lundi des travaux de sa 23e session ordinaire du Conseil des droits de l'Homme (CDH) des Nations unies à Genève que "la catastrophe humanitaire, politique et sociale" en Syrie risque de se transformer en "cauchemar", dénonçant les "violences gratuites" commises par les rebelles". Elle a relevé que l'espoir existe toujours pour que la communauté internationale mène des "actions tangibles pour arrêter l'escalade des souffrances et des effusions de sang en Syrie", estimant qu'après plus de 26 mois de violences la situation était devenue "un affront intolérable à la conscience humaine". Le Haut-Commissaire a en outre dénoncé les "violences gratuites" commises par les rebelles qui ont manifestement utilisé les civils comme boucliers humains et qui continuent de poursuivre les enlèvements. "Nous continuons aussi à voir des rapports sur des forces antigouvernementales commettant des actes horribles comme des tortures et des exécutions sommaires", a-t-elle déploré.