L'œuvre de Mohammed Dib a été revisitée vendredi soir à Montpellier à la faveur d'une rencontre littéraire organisée dans le cadre de la Comédie du Livre, un rendez-vous culturel qu'organise depuis 20 ans la ville française et qui met cette année l'Algérie à l'honneur. Tout en rendant hommage à l'humaniste qu'était l'auteur de la célèbre trilogie (La Grande maison, L'incendie et le Métier à tisser), le professeur émérite de l'Université Paul Valéry de Montpellier, Paul Siblot, a souligné l'affirmation de l'identité nationale dans l'œuvre de Dib, collant, même par la fiction, à la réalité historique sociale et culturelle de l'Algérie de l'époque. Il en veut pour "preuve" la réaction de la presse coloniale à la parution en 1952 de La Grande Maison aux éditions Le Seuil. Pour les Nouvelles littéraires de l'époque, a rappelé l'universitaire, il s'agissait d'une "propagande sans plus". "On leur a appris à écrire, et ils se servent de leur plume pour le pire", osait commenter la presse coloniale. L'universitaire algérienne Sabeha Benmansour a souligné, elle aussi, la dimension humaine du défunt Mohammed Dib, une dimension qui, a-t-elle dit, lui a été confirmée lors de sa toute première rencontre avec l'homme. " Ma connaissance de l'homme s'est davantage renforcée lorsque j'ai eu la chance d'accompagner un projet du centre culturel français à Tlemcen, consistant à accompagner, en 1992, par des textes de Dib des photos de la ville prises auparavant par Philippe Bordas", a confié la présidente de l'Association La Grande Maison. Cette collaboration que l'écrivain disparu a acceptée, a donné naissance en 1994 à un ouvrage " Tlemcen ou les Lieux de l'écriture ", une sorte de voyage de mémoire à partir des photos de Bordas. Selon l'universitaire, le choix du pluriel pour le mot Lieux marque, pour la première fois, que Tlemcen n'est plus utilisé comme référent géographique dans l'œuvre de Dib. Autre témoignage d'une personne ayant côtoyé Mohamed Dib, le plasticien Rachid Koraichi que le défunt écrivain qualifiait "d'artiste de la renaissance", a décrit un personnage d'un "grand humanisme et d'une modestie inégalée", regrettant de ne pas avoir mené à bout un projet d'un ouvrage en arabe qu'il comptait réaliser avec le disparu. Evoquant l'œuvre littéraire de Dib, il a affirmé ne pas y déceler de la religiosité, mais, par contre, " une très grande spiritualité". Parmi l'assistance clairsemée venue assister à la rencontre, organisée par l'Association Cœur de Livres, était présente Assia Dib, la fille du défunt écrivain. Elle s'est félicitée que dix ans après la disparition de son père, l'œuvre de l'auteur de Qui se souvient de la mer (Le Seuil, 1962) continue d'être le "socle" de nombreux écrivains algériens. "Je souhaite que l'ensemble des Algériens gardent du travail de Dib une œuvre qui parlent d'eux, comme un butin de guerre comme disait Kateb Yacine en parlant de la langue française", a-t-elle confié à l'APS. L'Algérie est l'invitée d'honneur de la 28e édition de "la Comédie du livre", une manifestation culturelle annuelle organisée conjointement par la mairie de Montpellier et l'association Cœur de Livres. Plus de deux cents écrivains venus essentiellement d'Algérie (une vingtaine), du Maroc, de Tunisie, d'Espagne et de France y prennent part. Au cœur d'une programmation riche et diversifiée, l'Algérie, ses écrivains et ses artistes seront plus particulièrement mis à l'honneur afin de célébrer les liens de jumelage et d'amitié qui unissent, depuis 2008, les villes et universités de Montpellier et de Tlemcen.