La tension demeure vive en Egypte où les Frères musulmans ont appelé samedi à de nouvelles manifestations pour réclamer le rétablissement du président Mohamed Morsi, écarté du pouvoir par l'armée à la faveur d'un mouvement de contestation d'une ampleur inédite. Dans un communiqué publié dans la nuit de vendredi à samedi, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans dont est issu M. Morsi, affirme qu'"il restera avec tous ses membres et ses sympathisants aux côtés des foules sur les places (d'Egypte) jusqu'à ce que le président soit rétabli dans ses fonctions". Le PLJ a, en outre, salué "les millions d'Egyptiens qui se sont mobilisés (vendredi) dans toutes les provinces d'Egypte pour d'énormes manifestations pacifiques exprimant leur rejet du brutal coup d'Etat militaire et leur (désir de voir) le retour du président Morsi à ses fonctions constitutionnelles", selon le texte. L'appel du PLJ intervient alors que la tension était encore perceptible samedi aux abords de l'université du Caire, sur la rive occidentale du Nil, où les Frères musulmans ont établi des barricades et arboraient des portraits du président évincé devant les forces de sécurité, selon des médias. Les accès à la place Tahrir étaient quant à eux contrôlés par les opposants à Morsi armés de bâtons. Le calme prévalait toutefois sur la place, où quelques centaines de personnes ont passé la nuit dans un village de tentes dressé sur le terre-plein central, d'après les mêmes sources. La veille, les affrontements entre partisans et adversaires de Mohamed Morsi, mais aussi entre pro-Morsi et soldats, ont fait au moins 30 morts et des centaines de blessés, essentiellement au Caire et à Alexandrie (nord). De plus, dans la péninsule instable du Sinaï (nord-est), cinq policiers et un soldat ont été tués dans des attaques qui n'ont pas été revendiquées. Depuis le 26 juin, les accrochages ont fait plus de 80 morts à travers le pays. Les pro-Morsi entendent rester dans la rue Les Frères musulmans, dont l'influent numéro 2, Khairat al-Chater, a été arrêté dans la nuit, entendent rester "dans les rues par millions jusqu'à ce que" le président déchu retrouve son poste, a prévenu le Guide suprême des Frères musulmans, Mohammed Badie. "Nous avons déjà vécu sous un régime militaire et nous ne l'accepterons pas une nouvelle fois", a-t-il lancé, faisant référence à l'intérim controversé assuré par l'armée entre la chute de Hosni Moubarak en février 2011 et l'élection de M. Morsi en juin 2012. Le mouvement Tamarrod (rébellion), à l'origine des manifestations monstres du 30 juin contre M. Morsi ayant abouti à sa destitution, a pour sa part, appelé à une nouvelle mobilisation dans les rues dimanche à travers le pays pour contrer les Frères musulmans. La chambre haute dissoute Dans la foulée de ces événements, le président intérimaire, Adly Mansour, nommé par l'armée, a dissous vendredi la chambre haute (Choura) dominée par les Frères musulmans, qui assurait l'intégralité du pouvoir législatif, et nommé un nouveau chef des renseignements. Une "feuille de route" annoncée par l'armée doit aboutir à la formation d'un nouveau gouvernement, ainsi que des élections législatives et présidentielle, mais aucune date n'a encore été avancée. La Constitution a quant à elle été suspendue. En outre, le procureur général a annoncé que des poursuites seraient engagées contre neuf dirigeants de la confrérie —dont M. Badie— dans le cadre d'une enquête pour "incitation au meurtre" de manifestants. M. Morsi est quant à lui toujours détenu par l'armée. Elu en juin 2012, M. Morsi était accusé de tous les maux —administrations corrompues, dysfonctionnements économiques, tensions confessionnelles— par ses adversaires. L'Egypte suspendue de l'UA En réaction à la destitution du président démocratiquement élu, Mohamed Morsi, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine (UA) a suspendu vendredi la participation de l'Egypte à l'organisation panafricaine. "Le Conseil a décidé de suspendre la participation de l'Egypte aux activités de l'UA", a déclaré à la presse le secrétaire du Conseil de paix et de sécurité, Admore Kambudzi, lisant un communiqué, à l'issue de plus de trois heures de réunion du CPS. L'UA a pour politique de suspendre tout Etat-membre où se produit un "changement inconstitutionnel de pouvoir", généralement jusqu'au retour à l'ordre constitutionnel. Le ministère égyptien des Affaires étrangères a dit "regretter profondément la décision de l'UA. "Ce qui s'est passé le 3 juillet (jour de l'éviction de M. Morsi) était le fruit d'une demande populaire exprimée par des manifestations de dizaines de millions de personnes", a-t-il argué en référence aux rassemblements monstres contre le président évincé. Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a mis en garde vendredi les Egyptiens contre toute politique de "représailles" dans un contexte marqué dans le pays par des heurts entre opposants et partisans du président destitué. Il a, en outre, appelé les forces de sécurité égyptiennes à "protéger les manifestants et à empêcher les violences", et estimé que ces manifestations ne devraient suivre que "des voies pacifiques".