La ville de Batna vit depuis environ une semaine, dans l'ambiance particulière des jours précédant le Ramadhan, les Batnéens, malgré "l'hystérie" qui s'est emparée des prix des denrées, paraissant disposés, comme il est de tradition, à accueillir le mois sacré les bras grands ouverts. C'est toute la ville qui reprend ses vieilles habitudes ramadanesques et enfile ses habits de tradition. Au quartier populaire Zmala, comme sur les allées Benboulaïd ou à proximité du marché couvert, l'heure est à l'animation des grands jours et le spectacle fait déjà penser à l'effervescence des quelques heures qui précèdent la rupture du jeûne. Dans les foyers, les préparatifs sont l'œuvre exclusive des maîtresses de maison qui s'attèlent, plusieurs jours avant le jeûne, au grand nettoyage. La cuisine, temple de tous les délices, est particulièrement choyée, tandis que les ustensiles, notamment la sacro-sainte marmite en terre cuite où le chorba aime à mijoter et le tadjine pour l'incontournable galette au levain (matloue), sont amoureusement astiqués. Dans toutes les familles, ou presque, les traditions ayant la peau dure du côté des Aurès, il est peu concevable, en effet, que la chorba du f'tour cuise dans un autre ustensile que la marmite en terre cuite, de couleur ocre. Une autre tradition que les familles batnéennes mettent un point d'honneur à perpétuer, durant ce mois synonyme de spiritualité, de solidarité, d'entraide et de convivialité, veut que l'on renouvelle tout ou partie (selon les moyens) de la vaisselle. A Batna, la préparation du seul plat que l'on cuisine du premier au dernier jour du mois sacré, la chorba en l'occurrence, exige que le frik (blé vert concassé) soit déjà prêt plusieurs semaines avant le jeûne. Les plus avisées des ménagères se procurent le produit auprès de fournisseurs sûrs, des agriculteurs qui fauchent au printemps des gerbes de blé vert. Du blé qu'elles grillent, tamisent, font sécher au soleil, avant de le traiter au sel pour le conserver dans un bocal pour la préparation de cette soupe au parfum irrésistible. Viennent ensuite les assaisonnements qui sont délicatement et savamment choisis par les femmes elles-mêmes, le plus souvent en sollicitant leurs connaissances réputées pour leur "savoir" dans les produits du terroir. Ces petites épices dont on se sert en quantités infinitésimales et sans lesquelles un plat de Ramadan ne serait pas tout-à-fait ce qu'il est. Achetées généralement sous formes de graines, ces épices sont nettoyées de leurs impuretés, séchées puis passées à la meule pour être réduites en poudres odorantes. Quelques femmes ne maîtrisant pas les secrets de fabrication envoient leurs graines chez des meuniers spécialisés. Chaque épice est ensuite conservée dans un bocal hermétiquement fermé pour mieux conserver l'arôme le plus longtemps possible. Dès la veille, du mois sacré, on sent déjà à plein nez le Ramadan et ses délicieuses senteurs. Les ménagères et les pères de famille fourmillent très tôt le matin dans les alentours du marché de Bordj El Ghoula. Les étals se font plus opulents et il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses, les commerçants rivalisant d'ingéniosité pour attirer le maximum de clients, en multipliant les promotions et les soldes sur certains produits de large de consommation, même si les Batnéens de condition modeste trouvent les prix plutôt élevés.