La crise en Ukraine a pris une nouvelle tournure après la libération de l'opposante Ioulia Timochenko et l'annonce par le Parlement d'une présidentielle anticipée, ce qui équivaut à une destitution de facto du chef de l'Etat Viktor Ianoukovitch qui a dénoncé un "coup d'Etat". Après plusieurs semaines de troubles sanglants à Kiev et malgré la signature vendredi d'un accord entre pouvoir et opposition visant à mettre fin à la crise, le Parlement a fixé samedi au 25 mai la date de l'élection présidentielle anticipée en Ukraine, où, a-t-il estimé, le président "ne remplit plus ses fonctions". Selon le nouveau président du Parlement, Olexandre Tourtchinov, le député d'opposition Arseni Iatseniouk a eu un entretien téléphonique avec le président Ianoukovitch, en présence d'autres députés. Il lui a proposé de remettre immédiatement sa démission, ce qu'aurait accepté le président. "Ianoukovitch s'est de lui-même mis à l'écart et ne remplit plus ses fonctions", est-il écrit dans la résolution adoptée par 328 voix sur un total de 450 sièges. Mais, le président Ianoukovitch avait auparavant indiqué de Kharkiv (est de l'Ukraine) qu'il n'avait "pas l'intention" de démissionner et qualifié le Parlement d'"illégitime". "Le pays assiste à un coup d'Etat (...) Je suis un président élu de manière légitime", a-t-il souligné dans une allocution télévisée diffusée par une chaîne régionale à Kharkiv (est). -Timochenko appelle à "poursuivre le combat"- Parmi les nouveaux bouleversements qu'a connus l'Ukraine ces dernières 24 heures, la libération de l'ex-Premier ministre Ioulia Timochenko, emprisonnée depuis 2011. A peine sortie de prison, l'égérie de la Révolution orange en 2004 s'est rendue sur le Maïdan, place de l'Indépendance à Kiev, où elle a demandé aux Ukrainiens de "poursuivre le combat". "Si quelqu'un vous dit que c'est terminé et que vous pouvez rentrer chez vous, n'en croyez pas un mot, vous devez finir le travail", a lancé Timonchenko dont la libération immédiate avait été votée samedi par le Parlement. L'opposante a été condamnée en 2011 à sept ans de prison pour avoir signé en sa qualité de chef du gouvernement un accord gazier avec la Russie à des conditions jugées défavorables à son pays. Elle est également soupçonnée de complicité dans le meurtre d'un député. Elle rejette toutes ces accusations, dans lesquelles elle dénonce "une vengeance du pouvoir visant à l'écarter de la scène politique". Par ailleurs, deux proches de Ioulia Timochenko ont été désignés à la tête du Parlement et du ministère de l'Intérieur, avec pour objectif de rétablir le fonctionnement des institutions. -Réactions mitigées à l'étranger- La crise en Ukraine s'est déclenchée en novembre après la suspension par Kiev des négociations sur un accord d'association avec l'Union européenne, au profit d'une relance des relations économiques avec Moscou. Les chamboulements intervenus dans ce pays ont suscité des réactions internationales mitigées: certains pays ont affiché leur soutien à "un nouveau gouvernement" et d'autres ont exprimé leur crainte pour l'intégrité territoriale du pays. En Russie, pays frontalier de l'Ukraine dont l'Est est russophone et russophile, majoritaire, et l'Ouest nationaliste et ukrainophone, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a dénoncé l'attitude de l'opposition ukrainienne après l'accord conclu la veille avec Viktor Ianoukovitch et mis en garde contre une menace sur la souveraineté de l'Ukraine. "L'opposition n'a non seulement pas rempli une seule de ses obligations, mais avance de nouvelles exigences, se soumettant aux extrémistes armés et aux pillards dont les actes constituent une menace directe sur la souveraineté et l'ordre constitutionnel de l'Ukraine", a déploré le ministre dans un communiqué. Pour sa part, la représentante de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a appelé les responsables politiques ukrainiens à agir "de manière responsable" pour maintenir l'"intégrité territoriale" et l'"unité" du pays, emboîtant le pas au ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, qui avait lancé un appel similaire. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a estimé samedi soir qu'il existait "des forces menaçant l'intégrité territoriale de l'Ukraine", sans préciser leur nature. Quant à la Maison Blanche, elle a salué la libération de l'opposante Timochenko et rappelé qu'il revenait aux Ukrainiens de "déterminer leur propre avenir". "Nous saluons le travaille constructif du Rada (le parlement ukrainien) et continuons d'appeler à la formation rapide d'un gouvernement d'unité nationale large et technocratique", affirme Jay Carney, le porte-parole de la présidence américaine dans un communiqué. A l'instar de Washington, Londres a par la voix de son ministre des Affaires étrangères William Hague, salué les "avancées extraordinaires" en Ukraine, se disant prêt à soutenir "un nouveau gouvernement" et le déblocage d'une aide financière du Fonds monétaire international (FMI). La France s'est félicitée, elle aussi, de la libération de l'opposante Ioulia Timochenko, appelant au maintien du calme en Ukraine, dans un communiqué du chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.