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Hépatite virale: la "scarification" en vogue à Oran
Publié dans Algérie Presse Service le 21 - 04 - 2014

La scarification, méthode traditionnelle de traitement de l'hépatite virale, est en vogue à Oran. Plusieurs personnes atteintes de la maladie croient en cette pratique qui consiste à effectuer une incision superficielle de la peau humaine, par des guérisseurs à l'aide d'une lame à rasoir.
L'opération sur des parties du corps est considérée comme le traitement le plus efficace pour l'hépatite virale normale, la "noire" et la jaunisse, a-t-on déclaré à l'APS.
Des spécialistes de l'hépatite virale indiquent qu'un taux de 10% seulement des malades atteints de la pathologie ont été pris en charge dans des établissements hospitaliers d'Oran en 2013, alors que 90% ont eu recours à des séances de scarification ou à des plantes médicinales.
Au CHU Oran, à l'établissement hospitalier universitaire (EHU) "1er novembre 1954" et à l'établissement spécialisé de pédiatrie d'El Menzeh (ex Canastel), 132 cas d'hépatite virale A ont été pris en charge en 2013, en majorité des enfants soit, 84%, a indiqué le chef de service prévention à la direction de la santé et de la population d'Oran, Dr Deharib Larbi.
Concernant l'hépatite virale B et C qui touche les adultes et qui ne peut pas être traitée par des moyens traditionnels, la prise en charge a été de 100% l'année dernière au service de gastro-entérologie du CHU Oran, selon la même source.
Des lieux aménagés pour les séances de scarification
Encouragés à Oran par l'engouement des citoyens pour la méthode traditionnelle de traitement de la jaunisse, des "guérisseurs" s'évertuent à aménager des lieux pour les séances de scarification au sein même de leurs maisons.
Ces lieux prolifèrent notamment dans les localités de "Nedjma" (exChteibo), de "Ain El Beida", dans la commune d'Es Sénia et des villages relevant de la commune de Bethioua. Les séances se passent dans des chambres, des garages, des préaux, où les conditions d'hygiène laissent à désirer, a-t-on constaté.
Mieux encore, de tels guérisseurs sont ambulants dans des zones éloignées. D'autres dressent bonnement des tentes et utilisent des hauts parleurs pour faire la promotion de leur activité.
En général, la scarification est pratiquée par des vieux. Des femmes s'en font également une source de revenus et un commerce. La séance qui prend jusqu'à 30 minutes est payée 500 à 1000 DA.
Pour subir cette pratique, le malade doit être à jeun. L'opération consiste à faire des égratignures sur le front, ou l'abdomen, à l'aide d'un rasoir, d'une aiguille ou d'un canif. Certains utilisent des branches de laurier chauffées et lubrifiées à l'huile d'olive qu'ils posent sur l'abdomen du malade.
Généralement, la même recette est prescrite au malade qui subit une séance de scarification, auquel il est déconseillé de manger du jaune d'oeuf.
Parmi les symptômes de l'hépatite virale, une pâleur du visage, un ictère et une couleur jaune dans l'urine, selon le professeur Benaama Aicha, chercheuse à l'unité de recherche en sciences sociales de l'université d'Oran.
Selon le service de prévention à la direction de la santé de la wilaya, trois décès d'enfants ont été déplorés au dernier trimestre 2013 suite à des séances de scarification où le malade avale des surdoses de la plante "mélisse".
Pourquoi le recours à la scarification
En dépit de l'amélioration des prestations médicales en matière de prise en charge des malades d'hépatite virale dans les hôpitaux d'Oran, dont l'EHU "1er novembre" où a été pratiquée une première greffe du foie à une personne atteinte d'hépatite, et de la disponibilité de médicaments à titre gracieux, les malades ont toujours recours à la thérapie traditionnelle.
Des dizaines de malades de différents âges et de rangs sociaux en quête d'une guérison rapide se livrent à ces séances quotidiennement.
Dans une maison où se pratique cette méthode traditionnelle à Hai "El Hassi", des malades attendant leur tour soulignent que la guérison de la jaunisse par la scarification est garantie, partant d'une croyance que ses pratiquants ont "la baraka" héritée des ancêtres. Leur prouesse est prouvée, dit-on.
L'engouement pour ce procédé est favorisé, dans la plupart des cas, par un sentiment de désespoir quant à une guérison. Il y a aussi l'effet d'entraînement qu'exerce le guérisseur se prévalant capable de délivrer le malade de cette pathologie.
Des formules magiques sont utilisées dans ce sens selon tout un rituel gagnant la confiance du malade et de ses proches et imprégnant une "légitimité sociale" à la pratique, comme l'explique la chercheuse Benaama Aicha.
Le guérisseur introduit également une touche mystique aux séances de scarification renforçant la croyance du malade à une guérison certaine et dégageant sa responsabilité en cas de mauvaise tournure", a-elle ajouté.
La confiance du malade est acquise aussi par le temps que prend le guérisseur à l'écouter avec passion. Un genre de psychothérapie, selon le professeur Benaama qui souligne que la majorité des malades trouvent ce traitement facile et rapide leur épargnant de sempiternels déplacements contraignants vers les hôpitaux pour des tests ou l'hospitalisation.
Dans ce sens, Dr Gasmi Nassima du service de médecine légale du CHU Oran indique que si les médicaments sont offerts gratuitement aux hôpitaux, les analyses de sang relatives à l'hépatite virale sont coûteuses et que le malade ne peut, par conséquent, se payer des analyses périodiques pour contrôler son état.
Le remboursement des frais d'analyses reste dérisoire, ce qui nécessite une révision par la Caisse nationale d'assurance sociale (CNAS) pour encourager le malade à poursuivre son traitement aux hôpitaux et à ne pas recourir à la médecine alternative, voire traditionnelle peu coûteuse mais aux conséquences parfois néfastes.
La scarification comporte bien des risques
Si la contagion en hépatite virale C se transmet par le sang contaminé, la scarification où sont utilisés des objets contendants non stérilisés constitue un réel danger favorisant la transmission la maladie d'une personne à une autre.
Dr Hakem Chahrezad chef du service gastro-entérologie au CHU Oran met en garde les malades atteints d'hépatite virale des trois genres contre le traitement traditionnel les appelant à éviter les séances de scarification.
Plusieurs médecins qui auscultent les malades atteints d'hépatite virale à l'hôpital observent, chez certains, des séquelles de cicatrices à l'abdomen, sachant qu'il n'existe pas de vaccin contre l'hépatite C à travers le monde et que si elle n'est pas traitée, elle évolue à un durcissement du foie et par la suite à un cancer du foie.
Pour rappel, l'hépatite virale se transmet par une consommation de l'eau non contrôlée ou des aliments impropres. L'hépatite B se transmet par voie sexuelle ou par le sang. Son vaccin est disponible et admis au calendrier de vaccination.
L'hépatite C est transmissible par le sang et l'usage de moyens contagieux. Il n'existe pas de vaccin contre ce type de maladie, selon les spécialistes.
En matière de prévention, des campagnes de sensibilisation et d'information de grande envergure sont souhaitables à travers des médias de proximité.
Il est question notamment de la radio pour sensibiliser également contre les dangers du traitement traditionnel sur la santé publique, a insisté la chercheuse Benaama Aicha du centre de recherche en sociologie de l'université d'Oran.
Par ailleurs, la lutte contre cette maladie silencieuse doit se faire aussi par le dépistage précoce en orientant les malades en temps opportun vers les hôpitaux et leur suivi, a conclu le chef du bureau d'Oran de l'association des personnes atteintes d'hépatite virale.


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