L'Ukraine et l'Union européenne (UE) ont ratifié mardi un accord d'association à l'origine de la crise qui a coûté la vie à plus de 2.700 personnes dans l'est ukrainien, alors que la Russie se prépare à exclure Kiev de tous les privilèges qu'elle lui accordait auparavant. L'accord a été simultanément ratifié dans la journée par les parlements ukrainien (Rada) et européen. Il devra ensuite être ratifié par chacun des 28 Etats membres de l'UE. S'exprimant devant les députés, le président ukrainien Petro Porochenko, arrivé en mai au pouvoir, a jugé que cette ratification à l'unanimité marquait un "premier pas" vers l'adhésion à l'UE de l'Ukraine. Cet accord reste néanmoins symbolique à ce stade: après une réunion tripartite incluant la Russie, l'Union européenne avait en effet annoncé vendredi que l'accord de libre-échange avec l'Ukraine, partie intégrante de l'accord d'association, était repoussé à fin 2015 pour permettre de nouvelles discussions avec Moscou, opposé au projet. L'accord doit arrimer l'Ukraine à l'UE sans pour autant lui ouvrir la perspective d'y adhérer. Qualifié de "novateur et ambitieux" par la Commission européenne, qui l'a négocié dès 2007, il crée le cadre d'une coopération politique et économique poussée, notamment dans les secteurs de l'énergie, la justice et la politique extérieure. La Russie prend ses précautions La Russie farouchement opposée à la conclusion d'un accord d'association entre l'UE et l'Ukraine, juge que cette dernière ne peut pas bénéficier de relations commerciales privilégiées à la fois avec la Russie, comme c'est le cas actuellement, et avec l'UE. Craignant un afflux de produits fabriqués dans l'UE via le territoire ukrainien, Moscou a obtenu de la Commission européenne que la mise en place de la zone de libre-échange, prévue dès cet automne, soit reportée de 15 mois. "La Russie s'engage à ne pas prendre de mesures de protection jusqu'à la fin de 2015", a indiqué le ministre russe du développement économique Alexeï Oulioukaïev au terme d'entretiens ministériels Ukraine-UE-Russie vendredi consacrés à l'application de l'accord d'association Ukraine-UE. Moscou compte passer fin décembre 2015 à l'application du principe de la nation la plus favorisée dans ses relations commerciales avec Kiev. Les avantages dont bénéficie actuellement l'Ukraine en tant que membre de la zone de libre-échange de la Communauté des Etats Indépendants (CEI) ne seront plus applicables. La crise ukrainienne, qui a fait plus de 2.700 morts, a débuté le 21 novembre 2013 à la suite de la décision du gouvernement ukrainien de ne pas signer l'accord d'association avec l'UE. Des manifestations de grande ampleur se déclenchent alors et aboutissent le 22 février 2014 à la fuite puis à la destitution du président Viktor Ianoukovitch. En réaction, la Crimée proclame son indépendance et vote pour son rattachement à la Russie. Et depuis lors plusieurs autres provinces ukrainiennes à forte population russophone, notamment le Donbass, connaissent des soulèvements similaires et organisent à leur tour des référendums d'autodétermination afin de se séparer du gouvernement ukrainien en place. Kiev propose l'autonomie aux séparatistes Plus tôt dans la journée, les députés ukrainiens avaient adopté deux projets de loi cruciaux dans le cadre du processus de paix avec les séparatistes. La loi sur un "statut spécial" des régions de Donetsk et Lougansk, rejeté par les rebelles qui réclament leur indépendance, et sur l'organisation d'élections locales figurent dans le protocole de cessez-le-feu du 5 septembre signé à Minsk. Le texte a été adopté par 277 députés. Kiev prévoit la mise en place d'un gouvernement autonome provisoire de trois ans à partir de l'adoption du texte et des élections le 7 décembre au niveau "des districts, des conseils municipaux, des conseils de villages" dans les régions de Donetsk et Lougansk. Ces annonces interviennent à quelques jours d'une nouvelle rencontre des signataires de l'accord dans la capitale bélarusse pour faire avancer le processus de paix. Selon la présidence ukrainienne, ces propositions ouvrent la voie à une décentralisation tout en garantissant "la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance" de cette ancienne république soviétique. Les députés ont par ailleurs adopté une loi d'amnistie pour les "participants aux événements de Donetsk et Lougansk". Cette désignation "floue" englobe a priori les rebelles séparatistes comme les soldats ukrainiens. Le "vice-Premier ministre" de la république autoproclamée de Donetsk, Andreï Pourguine, a accueilli fraîchement les annonces de Kiev. La région industrielle du Donbass dont les séparatistes ont fait leur fief n'"a plus rien à voir avec l'Ukraine", a déclaré M. Pourguine. "Le Donbass est administré de manière complètement autonome, ce territoire n'a plus rien à voir avec l'Ukraine", a-t-il dit.