Selon Kiev, ces propositions ouvrent la voie à une décentralisation tout en garantissant «la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance» de l'Ukraine. L'Ukraine et l'Union européenne ont ratifié, hier, un accord «historique» d'association, concrétisant l'éloignement du giron de la Russie cette ancienne république soviétique en proie à une rébellion séparatiste pro-russe. Moscou, qui voit cet accord d'un très mauvais œil, a annoncé dans la foulée que son dispositif militaire serait renforcé dans «la zone de la Crimée», péninsule ukrainienne annexée en mars par la Russie. Cette décision, justifiée selon Moscou par l'aggravation de la crise en Ukraine et la nécessité d'intégrer ce territoire à l'ensemble de son dispositif militaire, illustre la volonté du Kremlin de maintenir la pression sur Kiev. S'exprimant devant les députés, le président ukrainien, Petro Porochenko, arrivé en mai au pouvoir, a jugé que cette ratification à l'unanimité marquait un «premier pas» vers l'adhésion de l'Ukraine à l'UE. «Le vote d'aujourd'hui est un choix de civilisation de l'Ukraine. L'Ukraine, c'est l'Europe», a proclamé le Premier ministre, Arseni Iatseniouk. Cet accord reste néanmoins symbolique à ce stade : après une réunion tripartite incluant la Russie, l'Union européenne a, en effet, annoncé vendredi que l'accord de libre-échange avec l'Ukraine, partie intégrante de l'accord d'association, était repoussé à fin 2015 pour permettre de nouvelles discussions avec Moscou, opposé au projet. Ce report a déchaîné les passions en Ukraine, certaines critiques allant jusqu'à évoquer une trahison du président Petro Porochenko. Pour de nombreuses personnalités en Ukraine, cette concession au Kremlin rappelle en effet les événements de fin 2013, quand, aussi sous la pression de Moscou, le président de l'époque, Viktor Ianoukovitch, avait refusé à la dernière minute de signer ce même accord d'association, déclenchant les manifestations qui ont fini par le balayer du pouvoir. Calculs géopolitiques Plus tôt dans la journée, les députés ukrainiens avaient adopté deux projets de loi sur un «statut spécial» des régions de Donetsk et Lougansk, leur accordant plus d'autonomie, rejeté par les rebelles qui réclament leur indépendance, et sur l'organisation d'élections locales. Ces deux points cruciaux figuraient dans le protocole de cessez-le-feu du 5 septembre signé à Minsk. Kiev prévoit de pouvoir donner aux autorités locales des prérogatives élargies pendant une période de trois ans à partir de l'adoption du texte et des élections le 7 décembre au niveau «des districts, des conseils municipaux, des conseils de villages» dans les régions de Donetsk et Lougansk. L'un des deux projets de loi prévoit également d'accorder une amnistie sous conditions pour les rebelles et les militaires qui s'affrontent depuis cinq mois dans un conflit qui a fait près de 2900 morts et quelque 600 000 personnes déplacées, selon de nouveaux chiffres de l'ONU publiés hier. Selon la présidence ukrainienne, ces propositions ouvrent la voie à une décentralisation tout en garantissant «la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance» de cette ancienne république soviétique, faisant écho aux accusations de Kiev d'une volonté russe de créer dans l'Est un Etat croupion. Tout en réitérant le credo séparatiste, un «vice-Premier ministre» de la république autoproclamée de Donetsk, Andreï Pourguine a indiqué à la presse que les dirigeants séparatistes allaient «étudier soigneusement» le texte adopté. «Peut-être pourrons-nous mener un dialogue (avec Kiev) sur certains points, notamment économiques ou socio-culturels», a-t-il ajouté. Dans les rues de Donetsk, les annonces de Kiev laissaient perplexes des habitants qui avouaient avoir du mal à en comprendre les subtilités sémantiques. «Le futur pour nous est difficile à imaginer, aucun camp ne veut vraiment négocier», regrettait Andreï, un fonctionnaire municipal de 41 ans. «Pour ma part, je crois qu'il n'est pas facile d'aller vers l'indépendance, mais c'est la voie que nous devons choisir».