L'incendie de la Bibliothèque Universitaire (BU) d'Alger le 7 juillet 1962 par l'organisation de l'armée secrète (OAS) est ''un crime contre l'humanité", a affirmé le conservateur de la BU Abdallah Abdi. M. Abdi a précisé dans un entretien à l'APS que la ''BU était l'une des bibliothèques les plus anciennes et les plus riches dans le monde arabe et en Afrique", comptant prés de 600 000 ouvrages scientifiques et des manuscrits inédits en arabe et en latin. 80.000 ouvrages seulement ont été sauvés lors de cet incendie qui a détruit la bâtisse de la BU, a-t-il dit, ajoutant que le sauvetage d'ouvrages restés intacts était un acte de résistance contre la colonisation française. M. Abdi a en outre précisé que les livres récupérés ont été transférés au lycée Okba d'Alger jusqu'à la reconstitution de la BU, ajoutant que le transfert a duré sept mois. "Tous les manuscrits avaient été transférés en France quelque mois avant l'incendie, qui a ravagé la BU'', a-t-il indiqué, citant un article du journal "le Monde" du 26 avril 1962, qui a fait état de la sortie de conteneurs de la bibliothèque universitaire d'Alger. ''Après l'incendie, aucun manuscrit intact ou altéré, n'a été retrouvé'', a-t-il dit reprenant des propos du Pr. Mahmoud M. Bouayad, ancien directeur de la Bibliothèque nationale et également président du comité international de reconstitution de la BU, qui affirmait que "tous les manuscrits de la BU avaient été transférés avec certaines archives en France". Acte prémédité ''Il est clair que l'incendie qui a ravagé la BU était prémédité", l'édifice ayant déjà été la cible en avril 1962 de deux autres attentats qui ont détruit des bâtisses de l'administration de l'université d'Alger, estime encore le Conservateur de la BU. Fermée à cette période en raison de la situation sécuritaire, la BU était donc à la ''merci'' des membres de l'organisation terroriste de l'OAS qui pouvaient alors s'infiltrer dans l'enceinte du bâtiment avec la complicité de certains français qui y travaillaient. Ces attentats, selon lui, étaient attribués à un groupuscule de partisans de ''l'Algérie française'', qui réagissaient à l"annonce du cessez-le-feu, le 19 mars 1962. Après l'incendie, un comité international de reconstitution de la BU dirigé par des universitaires, à leur tête Mahmoud Bouayad, a été crée. La BU rouvrira ses portes six années plus tard, le 12 avril 1968. Pour M. Abdi, l'attentat terroriste contre la bibliothèque universitaire d'Alger visait à priver l'Algérie indépendante de ce creuset scientifique et culturel. ''L'acte criminel dont elle a été la cible était, a t-il dit, un prolongement logique de l'occupation française, qui a œuvré depuis l'occupation de l'Algérie en 1830 à l'effacement de l'identité algérienne dans sa triple dimension arabe, islamique et amazighe''. L'université d'Alger, qui est l"une des universités les plus anciennes d'Afrique et la deuxième université de l"empire français", a été créée en 1909 (loi du 30 décembre) après une série de démarches, la première étant la loi du 20 décembre 1879, qui prévoyait la création de quatre écoles spécialisées (Médecine et Pharmacie, Sciences, Lettres et Sciences humaines et Droit). L'étrange oubli de l'Unesco En 1995, l'Unesco avait répertorié tous les livres détruits à travers le monde, excluant les précieux ouvrages de la BU. Et, dans les années 1990, la même organisation onusienne avait fait une liste des bibliothèques des livres de valeur, qui avaient été détruits à travers l'histoire, y compris pendant la période coloniale. L'incendie de la BU d'Alger par l'OAS ne figure pas dans ce répertoire mondial des bibliothèques détruites, sous quelque nature que ce soit, a déploré M. Abdi. Il a souligné à ce propos qu'après la reconstitution de la BU, certains livres altérés n'ont pu être restaurés faute de compétences qualifiées pour effectuer ce travail de précision. Pour reconstituer ce que ''le vandalisme'' avait détruit, selon les propos de M. Ahmed Taleb Ibrahimi, alors ministre de l'éducation nationale, un Comité International pour la Reconstitution de la Bibliothèque Universitaire d'Alger (CIRBUA) a été crée en décembre 1962. Le Bureau du CIRBUA, installé au siège de la BU, a été installé le mercredi 19 décembre 1962 à 18 heures. Il avait comme président M. Bouayad Mahmoud, administrateur de la Bibliothèque Nationale, Noureddine Skander comme Vice-Président, et, comme Secrétaire général l'écrivain Jean Senac. Pour autant, la restauration des ouvrages touchés par cet incendie, il y a maintenant 53 ans, se poursuit toujours, alors que le travail de restauration et de reliure nécessite la maîtrise de certaines techniques "qui ne sont pas enseignées en Algérie", explique le conservateur de la BU d'Alger.