Les dirigeants des pays de la Communauté est-africaine (EAC) doivent se rencontrer lundi en Tanzanie lors d'un sommet pour essayer de dénouer la crise politique au Burundi, alors que le chef de l'Etat Pierre Nkurunziza reste indifférent depuis des mois à toutes les pressions régionales et internationales. Le sommet de l'EAC est le troisième en moins de deux mois portant sur la crise déclenchée par l'annonce fin avril de la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat jugé anticonstitutionnel par l'opposition. La présidentielle est prévue le 15 juillet. L'EAC avait déjà organisé deux sommets sur la crise. Des putschistes avaient profité du premier, le 13 mai, pour tenter un coup d'Etat - avorté - en l'absence de Nkurunziza. Le président burundais avait boycotté le deuxième le 30 mai. Seul deux des cinq présidents de l'EAC (qui réunit Burundi, Tanzanie, Rwanda, Ouganda et Kenya) conviés à Dar es Salaam pour ce troisième sommet seront présents - le Tanzanien Jakaya Kikwete, hôte de la réunion, et l'Ougandais Yoweri Museveni. Les présidents burundais Nkurunziza, rwandais Paul Kagame et kényan Uhuru Kenyatta ont choisi de se faire représenter par des ministres. Inquiète d'un climat de violence peu propice à l'organisation d'élections crédibles, l'EAC réclamait, comme la quasi-unanimité de la communauté internationale, un report des législatives et communales qui ont ouvert les élections générales burundaises lundi. Le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, a réclamé dimanche la démission de l'envoyé de l'ONU, le Sénégalais Abdoulaye Bathily, nommé récemment en remplacement de l'Algérien Saïd Djinnit. Le parti au pouvoir accuse notamment Abdoulaye Bathily d'avoir proposé un report des élections et de ne pas avoir réservé ses premières rencontres aux autorités. Nkurunziza sourd à toutes les pressions Bujumbura est restée sourde depuis des mois à toutes les pressions, arguant d'un risque de vide institutionnel si les élections n'étaient pas organisées très vite, le mandat du président Nkurunziza s'achevant le 26 août. M. Nkurunziza a même montré lundi sa détermination à aller coûte que coûte aux urnes mi-juillet, participant à des meetings de campagne dans deux provinces du Centre, Mwaro et Gitega. Cette imperméabilité aux critiques de la communauté internationale - les pays est-africains, mais aussi l'Union africaine, l'ONU, les Etats-Unis ou l'Union européenne - a poussé les putschistes à annoncer vouloir lutter de plus belle pour chasser Pierre Nkurunziza du pouvoir. "Toutes ces actions en cours dans le pays, nous sommes derrière, et nous allons les intensifier jusqu'à ce que M. Nkurunziza comprenne", a déclaré le général Léonard Ngendakumana, bras-droit du chef putschiste Godefroid Niyombare, resté selon lui au Burundi pour "résister" et "se battre" contre le pouvoir en place. Dans ce contexte, le président burundais a demandé à la communauté internationale de "respecter l'indépendance" du Burundi, au lendemain d'élections qui, selon lui, "se sont très bien passées". Le pays a voté lundi pour des législatives et des communales que l'ONU, partenaires européens et américain, Union africaine (UA) et pays de la région avaient appelé à reporter en raison d'"un climat empêchant des élections crédibles". Les Burundais attendent toujours le résultat de ces élections. "Nous vous demandons (...) de nous respecter et de respecter notre indépendance. Nous vous demandons de nous appuyer dans les travaux de développement, dans le renforcement de notre indépendance", a lancé le chef de l'Etat à la communauté internationale dans un discours à la Nation avant la fête nationale jeudi. L'ONU juge les élections ni crédibles, ni libres Dans ses "conclusions préliminaires", la Mission d'observation électorale de l'ONU a estimé que les élections législatives et communales de lundi au Burundi se sont déroulées "dans un environnement qui n'était pas propice à la tenue d'un scrutin libre, crédible et fédérateur". La mission relève en particulier "un climat de peur et d'intimidation" et des violences à Bujumbura, avant et pendant le scrutin, boycotté par l'opposition. Selon le rapport, le vote s'est tenu "au milieu d'une crise politique tendue, et dans un climat de peur et d'intimidation généralisées dans certaines parties du pays". "Les libertés fondamentales de participation, d'assemblée, d'expression, d'opinion et d'information ont souffert de restrictions croissantes pendant la compagne électorale", notent les observateurs de l'ONU, qui précisent que "des épisodes de violence et des explosions ont précédé et parfois accompagné le scrutin". La Mission d'observation, déployée à partir du 1er janvier dernier, indique "avoir observé des restrictions à la liberté de la presse et des violations de droits de l'homme et d'autres libertés fondamentales". Selon les Nations unies, seuls le parti au pouvoir et ses alliés ont été en mesure de mener campagne dans l'ensemble du pays, les partis d'opposition étant "beaucoup moins visibles". Le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a "pris note" de ces conclusions, et en particulier des commentaires sur la crédibilité du scrutin, selon le porte-parole adjoint de l'ONU Farhan Haq. Le Conseil de sécurité a eu jeudi matin des consultations à huis clos sur la crise burundaise.