Plusieurs mesures ont été récemment prises par le gouvernement pour la filière de la pomme de terre, afin de stabiliser le marché et soutenir les agriculteurs qui vendent à perte leur production, a appris l'APS auprès du ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche. Réuni il y a une dizaine de jours, un Conseil interministériel a arrêté des mesures "urgentes" et d'autres de long terme visant à sécuriser les agriculteurs et à réunir les conditions favorables au lancement de la prochaine saison, précise un conseiller au ministère de l'Agriculture, Chérif Omari. Ainsi, le gouvernement a dégagé une enveloppe de 1,3 milliard DA pour payer immédiatement les agriculteurs qui ont participé à l'opération de stockage de leur production de pomme de terre de saison (juin 2015), livrée à l'entreprise publique d'entrepôts frigorifiques Frigomedit qui devait, à l'origine, assurer ce payement. En effet, 149 producteurs ont livré leur production à Frigomedit, chargée de constituer des stocks de sécurité, qui devait les payer à raison de 27 DA/kg (prix de référence). Mais cette entreprise, qui a absorbé un excédent important de l'ordre de 123.000 tonnes de pomme de terre de saison, n'a pas pu payer les agriculteurs-fournisseurs du fait qu'elle n'a écoulé qu'une partie de ce stock et, de surcroît, à un prix moins cher que le prix d'achat. "La pomme de terre fraîche qui a inondé le marché dès la mi-septembre a détourné le consommateur du produit stocké. Ce qui a fait chuter le prix de la pomme de terre stockée, causant des pertes à Frigomedit", explique M. Omari. Les agriculteurs ont alors essuyé des pertes importantes en raison de l'effondrement des prix de ce produit à la sortie de l'exploitation, chutant en dessous du prix de référence (27DA/kg) appliqué depuis juin dernier dans le cadre du Système de régulation des produits agricoles de large consommation (Syrpalac). Cette situation est due, selon M. Omari, "à la jonction entre l'abondance de la production de saison et le manque de pluies durant la période d'arrière-saison (15 septembre au 15 novembre), ce qui a poussé à l'arrachage massif de la récolte notamment au nord du pays". "Habituellement, durant cette période, les pluies font décaler les récoltes et empêchent les agriculteurs d'accéder à leurs parcelles de terres. L'arrachage de la production d'arrière-saison se fait donc essentiellement à partir de la région d'Oued Souf et ne commence qu'en début de janvier au nord du pays. On peut dire qu'il n'y a pas eu de période de soudure cette année", explique-t-il. Ainsi, pour soutenir les prix à la production et sécuriser les revenus des producteurs, le gouvernement a décidé de suspendre l'opération de déstockage et de constituer, pour la première fois en cette période, un stock de 40.000 tonnes à partir de la récolte d'arrière-saison en cours. Sécuriser le marché de la semence Le gouvernement a aussi décidé de sécuriser le marché de la semence de pomme de terre en prévision de la saison prochaine. Ainsi, 170.000 tonnes de semences dont 70.000 tonnes produites localement sont disponibles, alors que d'autres achats de certaines variétés spécifiques peuvent êtres programmées prochainement pour certaines zones tardives ciblées. C'est dans ce sens que le ministre en charge du secteur, Sid Ahmed Ferroukhi, a réuni, lundi dernier, le Conseil national interprofessionnel de la filière pomme de terre (CNIFP) pour informer les professionnels des mesures prises par le Conseil interministériel ainsi que des modalités de leur mise en œuvre. Les deux parties ont également discuté de la nécessité d'encourager l'exportation de l'excédent de production de pomme de terre et d'inciter la mise en place d'une industrie de transformation en collaboration avec le secteur de l'industrie. Un groupe de travail regroupant des responsables du ministère et des membres du conseil interprofessionnel a été installé pour proposer un plan d'action 2016/2019 et une feuille de route à l'effet de moderniser et de relancer durablement la filière. Le plan d'action doit être conçu autour d'objectifs bien précis pour atteindre, d'ici à 2019, une production de six (6) millions de quintaux et devenir autosuffisant, notamment en semences de pomme de terre en passant par l'amélioration des techniques de production et l'encouragement de la mécanisation. Dans l'objectif de modernisation de la filière, le secteur va procéder incessamment à l'assainissement, avec l'interprofession, des établissements de production de semence, sachant que plus de 300 producteurs de semence sont inscrits dans cette activité alors que 170 seulement y activent. Le groupe de travail devra également évaluer le dispositif de régulation (Syrpalac) en collaboration avec les ministères concernés, en vue d'améliorer ce dispositif en se basant sur l'expérience acquise depuis sa mise en œuvre en 2008. Le Syrpalac fait partie d'un ensemble de mesures prises par l'Etat en vue d'encourager la production, de sécuriser les revenus des agriculteurs et d'éviter le recours systématique aux importations. Ces actions ont permis de passer d'une superficie de 105.000 ha en 2009 à 150.000 ha actuellement et d'une production de 2,5 millions de tonnes de pommes de terre en 2009 à 4,5 millions de tonnes en 2015. L'autosuffisance a encouragé certains opérateurs d'El Oued, première wilaya productrice de ce tubercule, à exporter vers l'étranger.