Le Parlement libyen de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale doit se réunir dans les prochains jours pour approuver la composition du gouvernement d'union nationale pour qu'il entre en fonction. Le nouveau gouvernement, annoncé le 19 janvier, après un long processus, a pour mission de rassembler les factions rivales du pays dans le cadre d'un plan soutenu par les Nations unies, en ce moment crucial pour sortir de la crise politique et sécuritaire qui le secoue depuis la chute de l'ancien régime en 2011, en plus d'une grave crise économique. Mais sans la bénédiction de l'ensemble de la population, il sera difficile pour le nouveau staff gouvernemental de régner sur l'ensemble du pays dirigé depuis 2014, par deux gouvernements et parlements rivaux, les uns basés à Tripoli, et les autres les seuls reconnus par la communauté internationale dans l'Est. La nouvelle équipe, composée de 32 ministres représentant trois régions, Barka, Fezzan et Tripoli et dirigée par l'homme d'affaires tripolitain Fayez el Serraj, doit avant d'entrer en fonction être approuvée par une majorité des deux tiers au sein du Parlement reconnu, qui a échoué à deux reprises à tenir une séance en l'absence de quorum. Ce gouvernement, constitué après consultation pendant plusieurs semaines d'une commission ad hoc mise en place après l'accord politique du 17 décembre, a siégé à l'étranger, à Tunis. Il va falloir attendre qu'un certain nombre de parlementaires présents en Tunisie ou en Egypte pour des raisons de sécurité acceptent de rentrer à Tobrouk, de siéger et ratifier l'accord parrainé par les Nations unies, et voter les pouvoirs du gouvernement d'union, selon les médias libyens. S'il devient opérationnel, ce sera une étape importante pour la stabilisation du pays, qui pourrait efficacement faire reculer le groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (EI/Daech), qui jusqu'à présent prospère en raison du vide institutionnel et politique dans le pays. Le gouvernement formé après un long processus Le processus a été long et compliqué. En tous les Nations unies ont envoyé trois envoyés spéciaux en Libye dont le dernier en date Martin Kobler, a pressé le parlement de Tobrouk d'approuver la composante du nouveau gouvernement. Le plan d'accord des Nations unies a été arraché aux différentes parties sans consensus au préalable de toutes les parties et notamment des chefs de tribus qui sont de grands notables incontournables dans la construction de la paix en Libye. En décembre, des membres du parlement de Tobrouk et du Congrès général national (CGN, ex-Parlement) basé à Tripoli, et de la société civile avaient signé l'accord politique qui a confié au conseil présidentiel, de neuf membres, la mission de désigner dans un délai d'un mois un gouvernement d'union que le Conseil de sécurité de l'ONU devra appuyer par l'adoption d'une résolution. Par la suite, le gouvernement désigné a entamé ses fonctions de façon provisoire depuis la capitale tunisienne, en attendant de régler les questions sécuritaires pour s'installer ensuite à Tripoli. L'accord politique, qui n'a pas été ratifié par les deux chambres libyennes, prévoit notamment la formation d'un gouvernement d'union basé à Tripoli et d'un conseil présidentiel d'une transition de deux ans qui devrait s'achever par la tenue des élections. Composante du gouvernement D'après la composante du gouvernement d'unité nationale, le porte-feuille de la Défense est revenu à al Mehdi Ibrahim al Bourghouthi, celui de la Justice à Abdesselam al Djenidi et l'Intérieur à al Aaref al Khodja. Celui des Affaires étrangères a été confié à Marwan Ousriouil, le ministère de la Coopération internationale à Mahmoud Faraj, et le ministère des Finances à Taha Mohamed Sarkaz. Seuls sept des neuf membres du Conseil présidentiel ont signé le document, qui porte nomination de 32 ministres, en raison de dissensions sur l'attribution des portefeuilles. On ignore encore comment et quand le nouveau gouvernement sera à même d'installer ses quartiers en Libye. Tripoli est contrôlée par une faction dite "Aube de la Libye", proche des islamistes, et le chef du gouvernement autoproclamé et soutenu par cette faction, a jugé que les préparatifs entrepris par le Conseil présidentiel pour sécuriser la capitale "violaient les lois militaires". La question de la représentativité délicate La question de la représentativité du gouvernement est délicate: aucun des deux parlements, des deux gouvernements n'était prêt à faire de grandes concessions. L'accord actuel est le plus abouti même s'il reste évolutif. Trente-deux noms pour contenter trois groupes ethniques, quelque 20 tribus principales, trois provinces et deux entités politiques rivales. Alors que la liste n'avait pas encore été révélée, deux membres du Conseil présidentiel en charge des nominations démissionnaient. L'un parce que les régions de l'Ouest n'étaient pas assez représentées, l'autre parce que le général Khalifa Haftar, qui soutient le Parlement de Tobrouk dans la lutte contre Daech dans l'est libyen, était écarté. Haftar, issu de l'ancien régime et dont un de ses proches vient d'être nommé ministre de la Défense, est perçu comme un potentiel allié de poids pour lutter contre l'organisation Etat islamique, une urgence absolue, autant pour le nouveau gouvernement que pour la communauté internationale. Dans le nouveau gouvernement, des pro-fédéralistes de la Cyrénaïque côtoient des ministres proches des Frères musulmans. Mais l'amalgame laisse dubitatif, surtout que la majorité des ministres sont des inconnus. Les grandes tribus se considèrent marginalisées Les grandes tribus se considèrent marginalisées, à commencer par les Warfalla qui se disent discriminés car la tribu s'est rangée au côté de l'ancien régime pendant la révolution. Les ethnies touboue et touarègue sont présentes mais estiment que leur cause ne serait "pas entendue par un gouvernement à dominante arabe", tandis que les "modérés" de la ville de Misrata et la communauté internationale se sont réjouis de l'annonce du gouvernement d'union. La coalition Aube de Libye, dominée par des hommes de la ville de Misrata, a vu un homme "acquis à sa cause" nommé au poste de ministre de l'Intérieur. Mais les milices de Zinten à l'ouest de la capitale n'ont eu aucune représentation. Ces milices régnaient sur l'aéroport international avant d'en être chassées en 2014. En revanche, 260 personnalités du "grand Tripoli" ont affirmé jeudi, dans un communiqué signé par ses forces nationales libyennes, leur soutien au gouvernement d'union nationale "comme le seule moyen de sortir la Libye de sa crise actuelle".