L'opération de mise en conformité fiscale volontaire, lancée en août dernier pour bancariser l'argent informel en Algérie, constitue une "bonne formule", a affirmé, mercredi à Alger, un expert français en finances, Christian de Boissieu. Dans une conférence qu'il a animée sur "la déglobalisation et la restructuration financière", organisée par la Banque d'Algérie, ce professeur en finances à la Sorbonne (Paris) a estimé que "l'épargne informelle en Algérie peut se reformaliser" avec ce type d'opération. "C'est une bonne formule, en attendant de voir ce qu'elle va donner comme résultats quantitatifs", a-t-il relevé en réponse à une question de la presse lors du débat qui a suivi cette conférence tenue en présence du gouverneur de la Banque centrale, Mohamed Laksaci, ainsi que de banquiers et financiers. Selon lui, il est nécessaire de créer "une passerelle entre l'épargne formelle et l'épargne informelle" en Algérie, tout en considérant que le succès d'une telle opération dépendra étroitement de la confiance citoyens-administration fiscale. A une autre question sur l'impact du marché parallèle des devises sur l'économie du pays, cet expert a jugé que "tout écart significatif entre le taux de change officiel et le taux de change parallèle nuit à l'image du pays". "Le contrôle des changes doit être conjoncturel pour céder la place à la libéralisation (du taux de change)", a estimé ce spécialiste des questions monétaires et bancaires, et s'est dit "étonné de voir des euros, des dollars et, récemment, des yuans se vendre sur le square d'Alger". Par ailleurs, dans son analyse de la conjoncture économique et financière mondiale, il a avancé que la situation n'était pas aussi dramatique que celle de 2009. Les banques centrales à travers le monde ont injecté de grosses liquidités et ont ainsi réussi, selon lui, à éviter une déflation majeure mais ont fini par alimenter la spéculation. De ce fait, a-t-il poursuivi, si la crise de 2007 avait été engendrée par des banques américaines et leurs subprimes (crédits accordés à des emprunteurs insolvables avec des intérêts élevés), une nouvelle crise financière mondiale s'annonce pour 2016-2017 mais qui proviendra, cette fois-ci, des marchés financiers et non des banques. A ce propos, il a prédit que les financements hors secteur bancaire de la Chine qui prennent de l'ampleur avec l'augmentation continue de l'épargne dans ce pays, les effets de l'augmentation du taux directeur de la banque centrale américaine (Fed) sur les marchés ainsi que la "guerre des changes" qui s'accentue entre les puissances mondiales sont les éventuels facteurs déclencheurs de cette crise. Pour faire face à cette situation qui se profile, il faudrait "trouver l'équilibre entre l'accélérateur monétaire et le frein prudentiel", a-t-il prôné, c'est-à-dire accompagner l'injection des liquidités, pour financer la croissance et l'emploi, par des règles bancaires plus prudentielles. Intervenant à son tour, M. Laksaci a relevé la divergence des politiques monétaires des principales banques centrales à travers le monde, qui s'annonce clairement en 2016 et qui fait peser davantage d'incertitudes sur la situation financière mondiale, et ce, notamment sur les pays émergents et en développement. Ainsi, a-t-il ajouté, les conditions financières de ces deux catégories de pays devraient se resserrer davantage cette année dans un contexte de faiblesse des prix des matières premières et de volatilité des taux de change, compliquant davantage leurs programmes d'ajustement notamment pour les exportateurs de pétrole.