Après une longue nuit de tractations intenses pour parvenir à une "position commune" des 28 dirigeants européens à soumettre à Ankara concernant la crise des réfugiés, le président du Conseil européen Donald Tusk a entamé vendredi la dernière ligne droite des négociations avec le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu pour sceller un projet d'accord controversé, élaboré le 7 mars dernier. La rencontre qui se déroule autour d'un petit déjeuner de travail en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du Premier ministre néerlandais Mark Rutte, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, permettra de discuter de la "position commune" des dirigeants européens fixée dans la nuit en vue de conclure un accord censé tarir l'afflux des réfugiés vers l'Europe. Quelques heures avant son déplacement jeudi à Bruxelles, le Premier ministre turc avait prévenu qu'il n'accepterait aucun accord conduisant à transformer son pays en "prison à ciel ouvert" pour les migrants. Le président français, François Hollande et la chancelière allemande, Angela Merkel se sont montrés "prudents" quant à l'issue des négociations avec la Turquie. "On est en bonne voie mais on n'est pas encore arrivés", a déclaré le président français au terme de la première journée de travaux, alors que la chancelière allemande, architecte du projet d'accord, affirmait que "les négociations (à) avec la Turquie ne seront pas très faciles". Le Premier ministre belge, Charles Michel, a souligné qu'"un accord avec la Turquie ne peut pas être un chèque en blanc". Le projet d'accord prévoit de renvoyer vers la Turquie tous les migrants, y compris les demandeurs d'asile syriens qui fuient la guerre dans leur pays. En échange, les Européens s'engageraient, pour chaque Syrien renvoyé, à transférer par voie légale un réfugié syrien depuis la Turquie vers le territoire de l'UE. Ce projet d'accord UE-Turquie sur les migrants a suscité beaucoup d'inquiétudes et soulevé de nombreuses interrogations sur sa compatibilité avec les droits de l'Homme, notamment de la part de l'ONU qui a jugé "illégales" les expulsions collectives envisagées. Mais, la Commission européenne a tenté de rassurer sur sa conformité au droit international, rejetant mercredi tout éventuel "renvoi collectif" de migrants dans le cadre de la mise en œuvre du projet d'accord UE-Turquie. "Il n'y aura ni renvoi collectif, ni refoulement" de migrants vers la Turquie depuis la Grèce, a déclaré à la presse le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, à l'issue de la réunion du collège des commissaires. Selon Timmermans, l'accord UE-Turquie sur les migrants "respectera le droit international" et "garantira à tout le monde un accès individuel à la procédure de demande de protection internationale" conformément à la législation internationale en la matière. Les Etats membres sont cependant encore si divisés sur le sujet controversé des échanges de migrants avec la Turquie qu'aucun texte n'a été publié. Le projet d'accord UE ûTurquie prévoit également de porter l'aide promise à Ankara de 3 à 6 milliards d'euros, la libéralisation des visas pour les citoyens turcs et l'accélération du processus d'adhésion de la Turquie en contrepartie de la contribution d'Ankara à la résolution de la crise. Si l'augmentation de l'aide humanitaire promise à la Turquie ne semble pas poser beaucoup de problèmes aux dirigeants européens, même si certains parlent de chantage, les questions de la levée des visas pour les Turcs dans l'UE et l'accélération du processus d'adhésion de ce pays à l'UE soulèvent les réserves de certains pays. Chypre qui s'est opposée fermement à l'ouverture de nouveaux chapitres des négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE, a laissé jeudi entrevoir un possible "compromis" à condition qu'Ankara respecte certaines conditions strictes.