Les électeurs de l'Union des Comores votaient dimanche pour élire leur président dans un second tour décisif, lors duquel le candidat du pouvoir Mohamed Ali Soilihi, arrivé en tête du premier tour, affronte l'ancien chef d'Etat Azali Assoumani et le gouverneur de la Grande-Comore Mouigni Baraka. Le scrutin, notamment à Anjouan, l'une des trois îles de l'Union des Comores (Anjouan, Grande-Comore et Mohéli) devrait s'avérer décisif pour départager les trois candidats en lice au second tour. Le vote a commencé dans le calme, peu après 07h00 (04h00 GMT), heure officielle de l'ouverture des bureaux gardés par une discrète présence policière, ont rapporté les médias. Dans la capitale Moroni, des bureaux avaient pris un léger retard en raison de l'absence d'assesseurs, mais les électeurs étaient en mesure d'accomplir leur devoir civique, moins d'une heure après l'ouverture officielle du scrutin, selon les mêmes sources. Les trois candidats qualifiés étaient arrivés dans un mouchioir de poche lors du premier tour, le 21 février, dans ce petit archipel pauvre de l'océan Indien qui a connu des décennies d'instabilité politique. L'actuel vice-président, Mohamed Ali Soilihi, dit Mamadou, avait décroché la première place avec 17,88% des voix, devançant le gouverneur de l'île de la Grande-Comore, Mouigni Baraka (15,62%), et l'ancien chef de l'Etat, le colonel Azali Assoumani (15,10%) qui a gouverné de 1999 à 2006. Ce dernier a enregistré, la semaine dernière, le soutien personnel mais "précieux" du populaire Ahmed Abadallah Sambi, chef d'Etat des Comores entre 2006 et 2011, devenu président d'honneur du principal parti d'opposition Juwa dont le candidat avait été éliminé au premier tour. Le soutien du Juwa est jugé essentiel car il dispose d'un important réservoir de voix sur l'île comorienne d'Anjouan, dont est originaire M. Sambi. "Au niveau d'Anjouan, Sambi peut encore apporter des voix, mais il a perdu beaucoup de terrain", selon Soidroudine Soulaimane, un observateur issu de la société civile comorienne. Les électeurs d'Anjouan n'avaient pas participé au premier tour de la présidentielle le 21 février, conformément à la Constitution atypique de l'Union des Comores, pays composé de trois îles (Anjouan, Grande-Comore et Mohéli). Dix-neuf des 25 candidats du premier tour avaient contesté la validité des résultats fin février et exigé que les bulletins soient recomptés, mais la Cour constitutionnelle les avaient finalement validés quelques jours plus tard. Seuls les électeurs de la Grande-Comore, à qui revient cette année la présidence tournante de l'archipel, avaient pu voter au premier tour. En revanche dimanche, l'ensemble des 300.000 électeurs du pays est appelé aux urnes. Malgré le soutien crucial de M. Sambi, le colonel Assoumani n'est pas certain de l'emporter. Car une quinzaine de cadres du Juwa n'ont pas suivi les consignes de leur président d'honneur et ont démissionné "pour rallier Mamadou". Soutenu par les oulémas "On ne s'attendait pas à une telle mobilisation", s'est exclamé un proche de l'équipe de Mamadou, visiblement satisfait de l'accueil réservé à son candidat qui a achevé sa campagne sur l'île d'Anjouan. Cette semaine, le candidat a également enregistré le soutien du Conseil des oulémas, la plus haute instance de l'islam, dans un pays qui compte 99% de musulmans. Derrière ces deux favoris, le gouverneur de la Grande-Comore, Mouigni Baraka, moins connu sur les deux autres îles, veut croire en ses chances. Son dernier meeting, vendredi, à Moroni a attiré plusieurs milliers de ses partisans, faisant jeu égal avec le meeting de Mamadou. "Cette marée humaine nous met en confiance, je suis satisfait. Malgré les ralliements en faveur de Mamadou et du colonel Azali Assoumani, la surprise est permise", a dit Me Ali Ibrahim Mzimba, le bras droit du candidat. La campagne a été ternie par des soupçons de corruption, particulièrement entre le colonel Assoumani et Mamadou. "Mamadou et Assoumani se font la guerre, Mouigni Baraka pourrait être la solution", veut croire le bras droit de ce dernier. A l'exception de Mamadou qui a fait de l'énergie et de la formation professionnelle ses priorités, les programmes des candidats sont quasiment identiques, axés sur la gratuité des soins, l'enseignement et l'amélioration des infrastructures "délabrées" du pays. La présidentielle est couplée avec le vote pour choisir les gouverneurs des îles. Les bureaux de vote seront ouverts jusqu'à 18H00 (15H00 GMT) et les résultats pourraient être disponibles mercredi. Cinq personnes accusées de propagande électorale ont été arrêtées sur l'île de Moheli, dans le cadre de l'élection des gouverneurs locaux qui se déroule en même temps que la présidentielle, selon Mohamed Fazul, un des candidats au poste de gouverneur. Des incidents impliquant des partisans des différents camps ont aussi été relevés sur l'île d'Anjouan, selon des journalistes locaux. Dans certaines localités, des partisans de l'ex-président Ahmed Abdallah Sambi (2006-2011), qui soutient le colonel Assoumani, sont accusés de perturber le vote. "Toutes les conditions d'un scrutin transparent sont réunies. Il y a une bonne sécurisation du scrutin mais on sent néanmoins une certaine tension", a toutefois reconnu le ministre de l'Intérieur, Mohamed Elhad Abbas. En plus des observateurs internationaux dépêchés sur place, des organisations comoriennes ont mis en place une "plateforme de veille électorale" pour faire remonter en temps réel les incidents. Contrairement au premier tour, l'Union africaine n'a cette fois pas envoyé d'observateurs.