L'historien et chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d'Oran, Amar Mohand-Amer, a estimé lundi que le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962 sont des moments de "rupture et de basculement" dans l'histoire de l'Algérie. "Fondamentalement, le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962 sont des moments de rupture et de basculement dans l'histoire de l'Algérie", a souligné le chercheur, spécialisé dans l'histoire de la guerre d'Algérie, à la veille de la célébration du 54ème anniversaire du recouvrement de l'indépendance nationale. Pour l'historien, l'indépendance de l'Algérie n'a pas été un processus facile. "Le FLN a toujours subordonné la fin de la guerre à la signature d'un accord global et c'est pour cette raison que le cessez-le-feu, le 19 mars 1962, a été proclamé juste après la signature des accords d'Evian, une journée auparavant, le 18 mars", a-t-il estimé. "Cela a une grande signification, dans le sens où, dès l'appel du 1er novembre 1954, le FLN a tracé deux grandes lignes, à savoir l'intégrité du territoire national et l'union du peuple algérien. Et malgré la dureté de la guerre, la pression de l'armée et de l'administration françaises, le FLN a pu faire aboutir l'indépendance sans négocier ces deux principales principes", a ajouté le chercheur. Le Dr Mohand-Amer a encore indiqué que 1962 reste une année de larmes et de sang avec le redoublement de férocité de l'OAS (Organisation de l'Armée Spéciale), notamment dans les grandes villes où elle s'est attaquée aux civils musulmans et européens et aux infrastructures pratiquant ainsi la politique de la terre brulée. Sur un autre plan et concernant le peu d'intérêt d'une certaine frange de la société algérienne pour cette période de l'histoire d'Algérie, particulièrement des plus jeunes de l'époque actuelle, l'historien estime que cette situation est à lier à plusieurs facteurs dont l'absence ou le nombre réduit de chercheurs dans cette discipline, notamment en ce qui concerne l'histoire contemporaine du pays. Il a signalé, à cet effet, la méconnaissance par de nombreux algériens de certains faits de l'histoire du mouvemement national, rappelant, à titre d'exemple, qu'au retour de Mohamed Boudiaf au pays, peu d'Algériens savaient qu'il était un des principaux animateurs et fondateurs du FLN en 1954. "Depuis deux décennies, on assiste à une sorte de privatisation de l'histoire par les porteurs de mémoire, les fondations et les organisations mémorielles et le danger est l'effritement du sens national, du patriotisme et du nationalisme", a-t-il estimé. Pour le Dr Mohand-Amer, l'histoire est le socle de l'unité nationale. "Les peuples qui ont donné à l'histoire toute sa place ont réussi à consolider leur ancrage historique et national", a-t-il affirmé. "Aujourd'hui, il n'y a, en général, plus de tabous, mais l'exercice du métier d'historien est toujours difficile, faute (...) de la formation d'une +armée de chercheurs+ car l'histoire nationale est très ancienne et complexe", a-t-il souligné. Il a ajouté que "les symboles de la guerre, notamment les chouhadas, sont présents mais la connaissance de l'histoire reste faible, d'où les scandales à répétition qui défrayent la chronique continuellement et touchant de véritables patriotes qui ont donné voué leurs vies à l'Algérie en combattant le colonialisme". Pour le Dr Mohand-Amer, la raison de cette situation est l'absence d'une véritable culture historique qui ne peut venir que des travaux de spécialistes et ce n'est pas le cas, car les spécialistes sont fort peu nombreux.