Le Front Polisario a affirmé sa contestation de l'application de l'accord agricole UE-Maroc au territoire du Sahara occidental, devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans une déclaration rendue publique à la veille de la session des plaidoiries mardi à Luxembourg dans l'affaire C-104/16, opposant le Front Polisario au Conseil et la Commission de l'UE. "Le Front Polisario conteste l'application de l'accord agricole UE-Maroc au territoire du Sahara occidental devant la Cour de justice de l'Union européenne. Un accord de libre-échange peut-il inclure les ressources naturelles d'un peuple colonisé, sous occupation étrangère, en violation de ses droits fondamentaux?", s'est interrogé le Front Polisario dans sa déclaration publiée lundi, à la veille des plaidoiries devant ladite cour, et dont le texte intégral a été diffusé par l'agence de presse sahraouie (SPS). Les plaidoiries dans l'affaire C-104/16, opposant le Conseil et la Commission de l'UE au Front Polisario, s'ouvrent mardi devant la grande chambre de la CJUE. Après l'audience, le Front Polisario tiendra une conférence de presse dans l'après-midi à Bonnevoie (Luxembourg), a indiqué l'agence sahraouie. L'accord agricole conclu entre le Maroc et l'UE en 2002, a été contesté par le Front Polisario qui a saisi la Cour européenne de justice pour annulation. Le 10 décembre 2015, la CJUE a annulé, à la demande du Front Polisario, l'accord agricole au motif qu'il s'appliquait au Sahara occidental alors que ni l'Union européenne ni ses Etats membres ne reconnaissent la souveraineté du Maroc sur ce territoire qu'il occupe depuis 1975. La Cour de justice de l'UE a ainsi tranché en faveur de la partie sahraouie qui affirme que l'application de cet accord au territoire occupé du Sahara occidental violait le droit international et les engagements de l'UE. La CJUE, qui siège à Luxembourg, a signé ainsi une décision marquante dans la "bataille diplomatique et désormais juridique", entre le Maroc et le Front Polisario, avaient relevé des médias. En l'état, les juges de Luxembourg relèvent que "le Conseil (européen) a manqué à son obligation de vérifier" si l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental sous occupation marocaine se fait ou non au profit de la population de ce territoire. En désaccord avec cette décision, le Conseil a introduit, le 19 février 2016, un pourvoi devant la Cour de justice européenne. Dans sa demande, le Conseil est soutenu par cinq Etats membres, dont un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies (la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal et la France). Le 9 juin dernier, la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER) a été autorisée à intervenir dans la procédure, rappelle le Front Polisario dans sa déclaration. Depuis 2000, l'UE, par l'intermédiaire de la Commission européenne, assure l'application au territoire du Sahara occidental, des accords conclus avec le Maroc, via l'envoi de missions sanitaires et l'agrément des exportateurs marocains, illégalement implantés au Sahara occidental. A titre de comparaison, l'ensemble des Etats ayant conclu des accords similaires avec le Maroc (Etats-Unis, Suisse, Norvège, Islande, Pays-Bas) excluent systématiquement le Sahara occidental, et ses ressources naturelles, du champ d'application de tels accords, en raison de la non-souveraineté du Royaume du Maroc sur ce territoire. De même, les produits originaires des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, ou ceux en provenance de la partie nord de Chypre, ne sont pas éligibles aux accords commerciaux conclus par l'Union européenne. "Dans ces conditions, le Conseil peut-il conclure un accord de libre-échange avec le Maroc, applicable au territoire du Sahara occidental, au mépris des droits fondamentaux du peuple sahraoui ?", s'interroge le Front Polisario, dans sa déclaration, poursuivant "il n'en saurait être question. L'implication de l'Union européenne au Sahara occidental est pour le Royaume du Maroc un moyen de financer sa politique d'annexion, et le Front Polisario déplore ce choix de politique extérieure, qui mine le processus d'autodétermination du Sahara occidental". "Aussi, seul et unique représentant du peuple sahraoui, le Front Polisario se présentera devant la juridiction suprême de l'Union européenne, pour défendre les droits fondamentaux du dernier peuple colonisé d'Afrique", conclut la déclaration du Front Polisario. La CJUE avait annulé, le 10 décembre dernier, l'accord agricole entre l'UE et le Maroc en raison de l'application dudit accord au Sahara occidental occupé. En effet, la population du Sahara occidental n'a pas été consultée, bien que l'ONU ait statué qu'aucune activité de ce genre ne peut être engagée si elle ne répond pas à la volonté de la population du territoire. Le secrétariat national du Front Polisario avait exprimé en janvier sa satisfaction de la décision de la CJUE d'annuler l'accord agricole et de pêche entre l'UE et le Maroc, qui inclut les territoires occupés du Sahara occidental, insistant sur la nécessité de l'application "urgente" de cette décision. Le Secrétariat national avait aussi rappelé la responsabilité "historique" et "judiciaire" de l'Espagne envers la décolonisation du Sahara occidental, demandant au Parlement espagnol d'ouvrir une "enquête approfondie" sur les accords de Madrid en 1975 et de "déterminer les responsabilités".