Entretien intégral du ministre des Moudjahidine, M.Tayeb Zitouni , accordé à l'APS à la veille de la commémoration du 62e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération. Question 1:L'Algérie s'apprête à célébrer le 62e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération nationale alors que la France n'a toujours pas reconnu ses crimes coloniaux en Algérie, comment amener la France à reconnaître ces crimes et quelles seront les conséquences de cette reconnaissance? Réponse:Notre pays s'apprête, sous le haut patronage de son excellence le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, à célébré le 62e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution sous le thème "gloire et référence inaltérable". Il m'est agréable, à cette occasion, d'adresser mes félicitations à tous les enfants du peuple algérien qui n'ont de cesse exprimer leur attachement à leur référence historique, aux gloires et hauts faits de leurs aînés, ainsi qu'à nos glorieux martyrs à la mémoire desquels nous nous inclinons. Nous nous recueillons aussi à la mémoire des Moudjahidine et Moudjhidate décédés priant Dieu d'accorder à ceux encore en vie, santé et bien-être. Concernant votre question, les relations entre l'Algérie et la France s'orientent après plus de cinquante ans d'indépendance vers l'ouverture d'un nouveau chapitre basé sur la réciprocité, la coopération et les intérêts mutuels pour la réalisation des aspirations des générations à un avenir meilleur. Notre pays ambitionne de hisser les relations qui lient nos deux pays au niveau des potentialité et des aspirations des deux peuples. Nous sommes tenus, en plus, de déployer les efforts nécessaires pour prendre en charge le dossier de la mémoire avec sérénité et clairvoyance dans le cadre d'une approche objective à travers laquelle l'autre partie assumera ses responsabilités historiques et reconnaîtra ses exactions contre le peuple permettre de se soustraire aux résidus du passé. Question 2- Où en ait le travail des commissions mises en place lors de votre visite en France pour la prise en charge d'un certain nombre de dossiers en suspens, notamment la récupération des archives, les disparus durant la durant la guerre de libération et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires dans le Sahara algérien? Réponse- La visite que j'ai effectuée en France, à l'invitation du secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, Jean-Marc Todeschini- et qui était venue concrétiser la volonté politique exprimée dans la Déclaration d'Alger sur l'amitié et la coopération entre l'Algérie et la France ayant sanctionné la visite du président français, François Hollande en Algérie en décembre 2012- a permis d'aborder les questions en suspens qui concernent les séquelles de la période coloniale et la mémoire collective du peuple algérien. Des dossiers qui nécessitent beaucoup de courage et même de l'audace pour les aborder et une méthodologie de travail bien établie pour les traiter. Ainsi, des commissions mixtes ont été mise en place pour le traitement des dossiers que vous avez cités, à savoir, la récupération des archives, les disparus durant la guerre de libération et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires dans le Sahara algérien. Les entretiens politiques se poursuivent entre les deux parties dans le cadre de la Grande commission gouvernementale mixte algéro-française. Question 3:La question des archives nationales se trouvant en France reste un sujet de désaccord entre l'Algérie et la France qui refuse de remettre ces documents qui pourraient authentifier son passé colonial. Comment procédez-vous pour accélérer la récupération de ces archives de la Révolution? Réponse: Concernant la récupération des archives nationales, les discussions avec la partie française, comme je l'ai souligné, se poursuivent au niveau des commissions techniques mais elles s'orientent, même si la cadence semble lente, vers une solution qui doit satisfaire les attentes de la partie algérienne. Néanmoins, cet intérêt pour les archives transférées en France ne doit pas nous détourner des nombreux témoignages, crédibles, que recèle notre et qui ne sont pas moins importants que le document archivistique classique, ce sont les témoignages des Moudjahidine, des veuves des Chouhada et de tous ceux qui ont vécu cette période. Une matière historique que nous oeuvrons à collecter en y mettant tous les moyens matériels et humaines, il s'agit d'un effort national auquel contribuent les Moudjahidine en écrivant leurs mémoires, les journalistes, les chercheurs, les hommes de lettres et les cinéastes par leurs productions. Un effort soutenu par notre souci permanent de préserver et de réhabiliter les sites historiques tels que les cimetières des Chouhada, les monuments historiques, les centres de torture et autres qui sont autant de témoignages qui attestent de la grandeur de notre révolution et des souffrances et sacrifices endurés par notre peuple pour se libérer d'un joug colonial qui s'est autorisé toutes les pratiques sans scrupule aucun, des pratiques que l'on ne peut qualifier que de crimes contre l'humanité. Nous citons à titre d'exemple "le massacre du Dahra", le massacre de la tribu d'El Ouffia" et les massacres du 8 mai 1945", l'utilisation des armes prohibées" contre le peuple algérien et son environnement, soit à des fins génocidaires ou pour des expériences dans un esprit de concurrence militaire avec les grandes puissances, autant d'actes déplorables que l'histoire n'a pas daigné enregistrer. Question 4:Où en est l'Algérie dans ses démarches pour la récupération des crânes des résistants algériens que la France conserve dans l'un de ses musées? et que répondez-vous à ceux qui qualifie aujourd'hui les Moudjahidine et les Moudjahidate de la guerre de libération de terroristes? Réponse:La question des ossements de nos glorieux martyrs est une autre image de l'ignominie coloniale et une autre preuve matérielle des crimes commis contre le peuple algérien et les symboles de sa résistance, la détermination du peuple algérien à récupérer les ossements de ses Chouhada procède de sa conviction que la dignité humaine est sacrée et doit être respectée même pour les morts et que rien ne justifie, ni moralement ni idéologiquement, que ces ossements soient laissés dans la situation déplorable actuelle. Les démarches vont bon train pour récupérer ces ossements et les enterrer dans la terre patrie des valeureux Chouhada. Concernant l'usage de concepts erronés et l'assimilation des opérations de fidaisme des moudjahidine et des moudjahidate aux actes terroristes, son excellence le président de la République, le moudjahid Abdelaziz Bouteflika avait répondu en termes clairs dans un message adressé à la famille de la presse à la veille de la célébration de la journée nationale de la presse le 21 octobre 2016, dans lequel il a tenu à saisir cette occasion pour "rendre hommage à nos Moudjahidate et aux Chahidate parmi elles, qui ont grandement contribué à la glorieuse révolution de Novembre. La révolution des Moudjahidine et Moudjahidate que le colonisateur qualifiait à l'époque de terroristes. Les Moudjahidate que des voix haineuses avaient osé taxer de terroristes". Question 5:Outre la consignation des témoignages des moudjahidine, comment le ministère peut-il contribuer à l'écriture de l'histoire de la guerre de libération en associant les instituts spécialisés et les historiens ? et comment oeuvre-t-il avec le secteur de l'éducation nationale à l'introduction de l'enseignement de l'histoire d'Algérie et la guerre de libération nationale dans les manuels scolaires ? Réponse:Je tiens à préciser que le ministère n'écrit pas l'histoire. Sa mission consiste à mettre la matière historique à la disposition des historiens, des chercheurs et des experts et à encourager les plumes nationales à consigner et à écrire l'histoire de notre glorieuse guerre de libération et à la transmettre aux générations futures. Je saisis cette occasion pour saluer les derniers acquis constitutionnels initiés par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, notamment le dernier paragraphe de l'article 76 de la Constitution qui dispose que l'Etat "œuvre, en outre, à la promotion de l'écriture de l'histoire et de son enseignement aux jeunes générations". En application des instructions de son excellence le président la République, le moudjahid Abdelaziz Bouteflika, et du plan d'action du gouvernement, le ministère des Moudjahidine s'emploie à rassembler notre patrimoine historique et culturel et à le mettre en valeur par : - L'encouragement des jeunes chercheurs à traiter des thèmes liés aux faits et symboles de la guerre de libération et à publier leurs travaux et enrichir ainsi les bibliothèques universitaires, celles des musées et les bibliothèques publiques dans les wilayas par les milliers de titres édités par le ministère et les établissements relevant de sa tutelle au titre de la vulgarisation de la culture historique, d'une part, et de la mise en valeur de l'effort des chercheurs, d'autre part. - L'ouverture des établissements relevant de sa tutelle que sont le Centre nationale d'études et de recherche sur le mouvement national et la révolution du 1er Novembre 1954, le Musée national du moudjahid, les musées régionaux et les musées au niveau des différentes wilayas, aux étudiants pour leur permettre de réaliser leurs recherches et leurs thèses universitaires. Il s'agit de faire bénéficier ces étudiants des moyens dont disposent ces établissements, notamment les ressources de leurs bibliothèques spécialisées sur l'histoire de l'Algérie (1930-1962) et de leur permettre d'exploiter leurs fonds de témoignages vivants et de documents d'archives sur cette époque. Le ministère s'emploie aussi à permettre au secteur de l'éducation nationale de bénéficier des publications et des travaux produits par le ministère des Moudjahidine afin de les mettre à la disposition des élèves, notamment les 9.300.000 exemplaires de la collection "Min Amjad El-Jazayer" (Les gloires de l'Algérie 1830-1962) qui met en avant le parcours et les hauts faits des Chouhada pour enrichir les connaissances historiques de nos enfants et leur inculquer les valeurs de fierté nationale. Cette série de livres est également disponible sur supports audiovisuels en vue d'une plus large diffusion. Nous avons également organisé une exposition sur la mémoire qui permet aux élèves d'acquérir des connaissances sur l'histoire de l'Algérie, lesquelles connaissances sont indispensables pour façonner la personnalité et l'identité nationale. Dans le cadre de ses efforts, les élèves ont pu visiter le Musée du moudjahid, l'exposition sur la mémoire et des sites historiques, et assister à des rencontres avec des Moudjahidate et des Moudjahidine. D'autres activités et des concours autour de la thématique de l'histoire ont, par ailleurs, été organisés, lesquels, associés aux efforts du secteur de l'éducation nationale, contribuent à la transmission de notre histoire nationale aux jeunes générations.