Le gouvernement du Yémen a récusé la nouvelle initiative de paix impliquant un cessez-le-feu, annoncée par le secrétaire d'Etat américain John Kerry, y voyant une "tentative de faire dérailler les efforts de paix et une tentative de parvenir à un accord séparé", avec le mouvement armé des Houthis, qui a accepté l'offre. Mardi après-midi, John Kerry a annoncé, depuis Abou Dhabi, un plan de paix pour le Yémen impliquant un cessez-le-feu à partir de jeudi (17 novembre) et un "nouveau gouvernement d'union nationale" avant la fin de l'année. Dans une réaction immédiate, le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi a rejeté en bloc la proposition du chef du département d'Etat. "Le gouvernement yéménite n'est pas au courant de l'annonce de M. Kerry et ne s'estime pas tenu par ces déclarations", a affirmé à plusieurs médias le ministre yéménite des Affaires étrangères Abdel Malek al-Mekhlafi. Pour le ministre, ces déclarations sont une "tentative de faire dérailler les efforts de paix et une tentative de parvenir à un accord séparé avec les Houthis". Le gouvernement s'en tient à la résolution 2216 qui appelle au retrait des Houthis des villes et à leur désarmement avant des négociations de paix. Pour rappel, le président Hadi, que la coalition s'efforçait jusqu'ici de rétablir dans ses fonctions, avait déjà rejeté un plan de paix de l'ONU prévoyant sa mise à l'écart au profit d'une administration plus consensuelle. Les Houthis et des membres de la coalition arabe favorables Le mouvement armé des Houthis dit aussi ‘Ansarullah' s'est déclaré "favorable" au cessez-le-feu, "à condition que les autres parties le respectent", selon M. Kerry qui s'exprimait mardi lors d'une brève visite à Abou Dhabi. De leur côté, les Emiratis et les Saoudiens, les deux piliers de la coalition arabe qui intervient au Yémen depuis mars 2015 en soutien au gouvernement, "ont donné leur accord pour tenter d'avancer" dans cette direction, a-t-il assuré. Le chef de la diplomatie américaine qui quittera ses fonctions avec l'administration Obama en janvier, a indiqué avoir longuement rencontré à Oman, où il a séjourné lundi, des négociateurs Houthis "venus spécialement" pour le voir. Un document a été élaboré à la fin de la rencontre avec "un court programme pour faire avancer les négociations de paix", a-t-il dit. Cette initiative a ensuite fait l'objet de consultations mardi entre M. Kerry et des dirigeants saoudiens et émiratis, en l'occurrence le ministre de la Défense Mohammed ben Salmane et l'homme fort d'Abou Dhabi, le prince Mohammed Ben Zayed. M. Kerry a également évoqué la mise en place d'un "nouveau gouvernement d'union nationale dans (la capitale yéménite) Sanaa sécurisée avant la fin de l'année". Il a expliqué qu'il fallait, pour y arriver, mettre en œuvre la "feuille de route" de l'émissaire de l'ONU Ismaïl Ould cheikh Ahmed, qui prévoit également la mise en place d'un "gouvernement d'union nationale" au Yémen. M. Kerry a toutefois espéré "associer tout le monde" à son initiative, y voyant "un possible tournant dans le conflit" qui a entraîné un "désastre humanitaire au Yémen". Au total, six tentatives de cessez-le-feu ont échoué. La dernière en date le 20 octobre, sous l'impulsion de Washington, de Londres et de l'ONU, a volé en éclats dès son entrée en vigueur. Combats intenses à Taëz sous contrôle des Houthis Sur le terrain, la situation demeure explosive avec de nouveaux combats enregistrés mardi à Taëz, grande ville du sud-ouest, entre Houthis et soldats du gouvernement qui ont fait 39 morts, dont 5 civils, selon un bilan donné par des sources militaires. Les forces du gouvernement ont perdu 20 soldats et ont eu 45 blessés lors d'une offensive contre les positions des Houthis à l'entrée est de la ville contrôlée par les Houthis, d'après une de ces sources qui a ajouté que quatorze membres du mouvement des Houthis ont été tués dans les combats et 20 autres ont été blessés. De plus, cinq civils ont été tués et 14 autres blessés dans des bombardements menés par des Houthis sur des quartiers la ville, a indiqué une autre source militaire. Le conflit yéménite s'est déclenché lorsque les Houthis, aidés par des forces loyales à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, sont entrés dans la capitale Sanaa en septembre 2014. Ils se sont ensuite emparés de vastes régions, poussant à l'exil le président Hadi qui s'est réfugié en Arabie saoudite. En mars 2015, l'Arabie saoudite a pris la tête d'une coalition militaire arabe pour tenter de repousser les rebelles, mais la crise, qui a fait plus de 7.000 morts et près de 37.000 blessés, s'est exacerbée depuis.