L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a exhorté mardi les éleveurs à ne plus du tout utiliser des antibiotiques si les animaux sont sains, afin de prévenir la propagation de la résistance des microbes à ces médicaments. Dans ses nouvelles lignes directrices publiées mardi, l'OMS défend "une réduction globale de l'utilisation de toutes les classes d'antibiotiques importants pour la médecine humaine chez les animaux de rente" et prône "une restriction complète de l'utilisation de ces médicaments en tant que promoteurs de croissance et à titre préventif en l'absence de diagnostic". "Les animaux sains ne devront recevoir d'antibiotiques que pour prévenir une maladie diagnostiquée chez d'autres animaux du même troupeau, du même élevage ou de la même population dans le cas des poissons", stipule-t-elle. L'OMS espère ainsi "préserver l'efficacité des antibiotiques importants pour la médecine humaine en réduisant leurs usages inutiles chez l'animal". D'après l'agence onusienne, l'utilisation excessive ou inadaptée d'antibiotiques chez l'homme et l'animal contribue à l'amplification de la menace émanant de la résistance aux antibiotiques. Or ce phénomène pourrait causer dix millions de décès par an d'ici à 2050, selon une étude britannique récente. Les recommandations de l'OMS se basent sur des dizaines de rapports d'experts et sur une étude publiée mardi dans la revue The Lancet. Cette étude a montré que la restriction de l'utilisation d'antibiotiques chez des animaux de rente destinés à l'alimentation humaine parvenait à une réduction de la présence de bactéries résistantes chez ces animaux allant jusqu'à 39%. La résistance aux antibiotiques, également appelée antibiorésistance, survient lorsqu'une bactérie évolue et devient résistante aux antibiotiques utilisés pour traiter les infections. Ce fléau mondial est surtout lié à la surconsommation d'antibiotiques et à leur mauvaise utilisation par l'homme mais aussi par les éleveurs, selon l'OMS. "Un manque d'antibiotiques efficaces est une menace pour la sécurité sanitaire aussi grave qu'une flambée soudaine d'une maladie mortelle", a affirmé le directeur général de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus. "Le volume d'antibiotiques utilisés chez les animaux continue de croître partout dans le monde, sous l'effet de la demande grandissante en aliments d'origine animale, provenant souvent d'élevages intensifs", a déploré pour sa part le Dr Kazuaki Miyagishima, directeur du département Sécurité sanitaire des aliments à l'OMS. Pour remplacer les antibiotiques dans la prévention des maladies chez l'animal, l'OMS propose d'améliorer l'hygiène et l'utilisation des vaccins et de modifier les pratiques d'hébergement et d'élevage des animaux. Par ailleurs, l'OMS demande que les antibiotiques administrés aux animaux malades soient sélectionnés parmi ceux recensés par l'OMS comme les "moins importants" pour la santé humaine. Depuis 2005, l'agence publie en effet une liste d'antibiotiques d'importance critique pour la médecine humaine, afin d'encourager une utilisation prudente de ces médicaments pour préserver leur efficacité.