Le renforcement du traitement politique du problème terroriste au Sahel est un "impératif" à brève échéance, a estimé le chercheur Djiby Sow, de l'Université de Montréal, soutenant que les perspectives limitées au plan militaire enjoignent les Etats du G5 Sahel à élargir le champ de l'appropriation sécuritaire. "La re-politisation intégrale des problèmes sahéliens et de l'approche de la question sécuritaire apparaissent comme le véritable enjeu", a indiqué ce chercheur qui s'intéresse aux questions de sécurité internationale et de lutte contre le terrorisme dans une étude obtenue par l'APS. En matière de lutte contre l'extrémisme violent, il a relevé que le Mali est depuis peu le seul des Etats du G5 Sahel à disposer d'un plan national formel de lutte en la matière, en raison de la dégradation "continue" de la situation sécuritaire qui impose l'exploration de modes alternatifs de résolution de conflit. Pour lui, "l'exercice par le gouvernement de ses prérogatives souveraines, à l'abri des ingérences extérieures, est primordial", notant qu'à plus long terme la logique d'appropriation sécuritaire "ne peut faire l'économie d'une refonte des modalités de gouvernance des Etats (du Sahel) et de la réinvention de mécanismes politiques au sein de projets de citoyenneté inclusifs et en cohérence avec les spécificités politiques, historiques et culturelles des sociétés sahéliennes". Le chercheur, qui est l'auteur de "La légalité de l'intervention militaire française au Mali. Contribution à l'étude du cadre juridique de la lutte armée contre le terrorisme international" (L'Harmattan, 2016), a estimé que le sous-développement des régions périphériques sahéliennes est l'expression du délitement de l'Etat. "Il constitue, a-t-il expliqué, l'ancrage le plus puissant du terrorisme, de l'extrémisme violent et des trafics, ainsi qu'un amplificateur des conflits locaux". En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme à travers la Force conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), initiée par la France, Djiby Sow considère que sa marge d'appropriation est "limitée" dans le sens où le pilier sécuritaire du G5 Sahel, a-t-il expliqué, "souffre d'une absence de dynamique interne franche et fondée sur une perception commune de la menace". "Des équations sécuritaires individuelles et des degrés d'exposition variables au terrorisme et à l'extrémisme violent sont à l'origine de postures stratégiques différenciées", a-t-il dit, évoquant le cas du Mali, ayant vocation à constituer la zone de déploiement prioritaire du dispositif dans sa configuration de force d'intervention, où la coexistence d'éléments de terrorisme et d'une situation de conflit armé interne "soulève toutefois des difficultés juridiques qui imposent aux Etats du G5 Sahel l'obtention d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU)". "Le déploiement de la force d'intervention sahélienne au nord Mali pose la question de son rôle dans un environnement stratégique caractérisé par une forte présence internationale", a-t-il expliqué. Il a noté toutefois que la coopération avec la France constitue un "obstacle structurel" à une "appropriation sécuritaire poussée" par les Etats du G5 Sahel. "Nonobstant ses handicaps financiers et opérationnels, le volet de force d'intervention de la FC-G5S entre a priori en conflit avec la mission et le rôle de Barkhane", a-t-il fait savoir, affirmant cependant que la France entend rester comme "puissance africaine" en raison des "impératifs stratégiques globaux" qui sont les siens et qui ont érigé sa présence en Afrique en "constante et priorité" de politique étrangère depuis les indépendances.