Le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel a regretté, samedi à New York, la situation de "crise multiforme d'une rare intensité" dans laquelle se trouve le monde dans son ensemble. "Ce n'est pas sans regret que nous constatons que le monde dans son ensemble continue de vivre au rythme d'une crise multiforme d'une rare intensité. Une crise à propos de laquelle M. Ant?nio Guterres était parfaitement fondé de s'alarmer", a-t-il affirmé dans un discours prononcé lors du débat général de la 73éme session de l'Assemblée générale de l'ONU. M. Messahel a rappelé, à ce titre, que le secrétaire général de l'ONU a fait, "très justement" remarquer que les conflits se sont aggravés et de nouveaux dangers ont émergé, que les inquiétudes mondiales au sujet des armes nucléaires n'ont jamais été plus fortes depuis la Guerre froide, que les changements climatiques évoluent plus vite que nos réponses, que les inégalités s'accroissent, que nous observons des violations inacceptables des droits de l'homme et que le nationalisme et la xénophobie s'exacerbent. "Dans un environnement de mondialisation avancée, voire irréversible, la gravité de ces défis colossaux, anciens et nouveaux, se voit accentuée par les effets pervers d'une crise économique et financière qui tend à s'installer dans la durée malgré la timide hausse de la croissance économique mondiale", a-t-il avancé. Face à ce constat, "rendu plus alarmant encore par l'apparition récente de velléités unilatéralistes et protectionnistes", a-t-il affirmé, le ministre a estimé que la communauté internationale doit "avoir le courage de reconnaître l'inadéquation, pour ne pas dire l'inanité, de nombre de politiques conjoncturelles suivies jusqu'ici du fait, essentiellement, des déficiences structurelles d'une architecture de gouvernance mondiale de plus en plus dangereusement anachronique". Le chef de la diplomatie algérienne a rappelé, à ce titre, que le président de la République Abdelaziz Bouteflika avait prévenu, alors qu'il accédait à la présidence de la 29ème session de l'Assemblée générale "qu'il ne suffisait pas de conquérir une place au sein de l'ONU pour être assuré contre la faim et l'insécurité." Il a affirmé qu'aujourd'hui, "il n'est plus possible de nous accommoder de la perpétuation d'un ordre international qui ne favorise plus la promotion et la concrétisation des valeurs universelles de la paix, de la justice, de l'égalité et du développement et où les progrès de la science et des technologies au lieu de contribuer à l'élévation et à l'amélioration des conditions de vie favorisent la concentration massive des ressources économiques et financières entre les mains d'une minorité et élargit ainsi dangereusement le fossé déjà abyssal qui sépare les pays et les peuples les plus riches des plus pauvres ?" Il a estimé que le constat que la communauté internationale doit se "résoudre à faire est que nous sommes face à une véritable crise morale". Le ministre des AE a soutenu, dans ce contexte, qu'aujourd'hui, plus que jamais depuis sa création, l'ONU se doit de trouver les voies et moyens à même de lui permettre de jouer pleinement le rôle que ses pères fondateurs lui ont assigné au sortir d'une conflagration planétaire dévastatrice. "La concrétisation d'un tel dessein vital pour la communauté internationale tout entière ne saurait toutefois se concevoir sans un engagement collectif renouvelé en faveur d'un multilatéralisme efficace, effectif et en harmonie avec les principes édictés par la Charte des Nations unies, engagement auquel le défunt Kofi Annan, en digne fils de l'Afrique et en citoyen engagé du monde, a associé son nom et consacré sa vie", a-t-il plaidé. Il a plaidé également pour que l'organisation des Nations unies soit "porteuse des changements nécessaires à cet effet", soulignant que le changement "majeur prioritaire" auquel doit aspirer la communauté internationale en y consacrant tous les efforts et les moyens voulus concerne "la réforme de l'ONU elle-même". Jugeant cette réforme "impérative", Messahel a expliqué que celle-ci doit "porter tant sur les structures que sur les modes de fonctionnement de l'Organisation et plus particulièrement du Conseil de sécurité en veillant surtout à réparer l'injustice historique faite au continent africain en termes de sous-représentation dans les deux catégories de membres de cet organe". "La réforme doit également porter sur la revitalisation de l'Assemblée générale, aussi bien que le renforcement de son autorité, une nécessité autour de laquelle il existe fort heureusement un consensus de plus en plus large", a-t-il encore ajouté. Le rejet des politiques de puissance et de leur logique dangereuse, a-t-il poursuivi, "exige la recherche permanente, par le dialogue et le consensus, du renforcement de l'action multilatérale". Selon Messahel, c'est "la meilleure voie pour répondre aux défis globaux de sécurité et de développement qui se posent à l'ensemble des Nations et des citoyens du monde". Le MAE a soutenu, à ce propos, que l'ONU a "un rôle central" dans cette entreprise de conquête du respect, soulignant que son succès sera "le succès de tous". "L'Algérie est convaincue qu'il n'y a pas de fatalité à l'échec comme il ne peut y avoir de place à une quelconque accoutumance aux malheurs, aux conflits, aux drames humains, au terrorisme et aux dégâts environnementaux précisément parce qu'il n'y a pas de "destin isolé" pour reprendre une expression chère au président Bouteflika, a-t-il ajouté. Messahel a estimé, par ailleurs, que l'Agenda 2030 pour le développement durable ainsi que le programme d'Addis-Abeba pour le financement du développement sont des "acquis remarquables" qui nécessitent une "mobilisation conséquente" tant des moyens que des énergies pour leur mise en œuvre. "Nous émettons le vœu que la réunion de Haut niveau sur le financement du programme de développement durable à l'horizon 2030, organisée par le Secrétaire général de l'ONU, le 24 de ce mois, puisse jeter les fondements solides d'une action concertée entre le système des Nations unies et les Etats membres, en faveur du développement conformément aux aspirations des pays en développement telles que plaidées par le G77", a-t-il ajouté. Il a affirmé, dans ce contexte, que l'Algérie, qui a participé activement à l'élaboration de l'Agenda 2030, est sur le point de finaliser un rapport national d'étape (2016-2018) sur la réalisation des ODD, pour sa présentation volontaire à l'ECOSOC en juillet 2019. Sur un autre plan, le ministre des Affaires étrangères a souligné "l'important effort" consenti par les autorités nationales, à la faveur de la dernière révision constitutionnelle, en faveur de toutes les franges de la population, notamment pour les droits de la femme et son autonomisation et la jeunesse.