La fabrication et la diffusion des fake news, que certains appellent "infox", est une industrie qui tourne à plein régime, représentant un "défi majeur", a tenté de décortiquer le magazine L'OBS dans son dernier numéro en consacrant un dossier à ce sujet. Œuvre des algorithmes, les fake news se sont répandues de façon virale grâce aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Youtube, etc.) et touchent des millions de personnes dans le monde avec une capacité d'influence et de manipulation extraordinaire. Pour le magazine français, l'industrie des fake news, à l'inverse des cartels de la drogue, "ne tue pas", mais menace la démocratie. Comme une fake news ne meurt jamais sur les réseaux sociaux, L'OBS relève que son industrie "a son prolétariat, ses centres logistiques, ses consommateurs et ses parrains". "Aujourd'hui, la désinformation règne sur Facebook, YouTube, Twitter, Snapchat, le pire éclipse le meilleur, le faux prend le pas sur le vrai, le mensonge avéré sur le fait vérifié", écrit le magazine, soulignant que "des plus anodines aux plus ignobles, fausses informations et idées complotistes contaminent la Toile à la vitesse de l'éclair". Pour le magazine, les réseaux sociaux sont devenus des "agents" de déstabilisation politique où, par exemple en France ou en Europe, "la théorie du ‘grand remplacement', qui voudrait qu'un plan secret organise la ‘submersion' des populations ‘de souche' par des musulmans venus du Maghreb et d'Afrique, gangrène les esprits". Dans ce contexte, il relève que Facebook, suivi de YouTube, talonne désormais la télévision et la radio qui sont "frappées de défiance", d'autant, selon des sondages, une majorité de gens font désormais "davantage" confiance à leur famille et à leurs amis concernant les news. "Les médias professionnels commettent des erreurs et ne sont pas à l'abri de manipulations. La déontologie leur impose de vérifier l'information et d'en recroiser les sources. Ils sont censés, aussi, la hiérarchiser", souligne le magazine, précisant que leur devoir est de "reconnaître quand il y a eu erreur ou intoxications, ce qui, malheureusement, ne va pas toujours de soi", a-t-il encore déploré. Le dossier de l'OBS publie par ailleurs les résultats d'une étude, conduite dans neuf pays par l'université de Cambridge, qui révèle la poussée des idées complotistes, particulièrement sur l'immigration. Un des auteurs, Hugo Leal, chercheur et spécialiste de la désinformation, a décrypté dans une interview le cas français et l'enjeu européen. Il a indiqué qu'il pensait que les théories complotistes étaient "marginales", mais il s'est rendu compte qu'elles sont devenues un "phénomène mainstream". "C'est une véritable contagion. Les chiffres traduisent l'acceptabilité sociale de cette narration", a-t-il dit. L'OBS évoque dans la nouvelle ère des "deepfakes", ces petits films trafiqués pour faire dire ou faire faire ce qu'on veut à n'importe qui, à l'aide de logiciels sophistiqués. "Elles permettent de faire dire (ou faire faire) n'importe quoi à n'importe qui. En matière d'humiliation, de chantage et de manipulation, le pire est devant nous. Avec des conséquences politiques faciles à imaginer", écrit-il soulignant que "la boîte de Pandore a été ouverte par l'intelligence artificielle". Pour l'universitaire Catalina Briceno, spécialiste du numérique, "il s'agit déjà d'un défi majeur", estimant "indispensable" d'imposer "un code de déontologie" chez les développeurs de technologies.