Le Maroc considère l'Algérie comme "une menace stratégique permanente" et "un rival historique", a déploré dimanche Noureddine Khelassi, conseiller du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, à la suite de la multiplication de déclarations marocaines hostiles envers l'Algérie. Dans une contribution publiée ce dimanche par le Quotidien le Soir d'Algérie, le journaliste Noureddine Khelassi a d'abord rappelé les trois épisodes survenus récemment du côté marocain à savoir le dérapage contrôlé du consul du Maroc à Oran qui a déclaré que l'Algérie est un "pays ennemi". Ensuite, une étude intitulée "Pour une nouvelle stratégie de défense intégrée du Maroc", œuvre d'un think tank marocain qui considère notre pays comme une menace permanente. Cette boîte à idées, caisse de résonance des Forces armées royales (FAR), ajoute l'auteur de la contribution, voit elle aussi en l'Algérie "un rival historique et un ennemi permanent". Et en troisième lieu, la construction en cours d'une base militaire d'écoute juste à la frontière avec l'Algérie. Le think tank en question, préconise en effet "une nouvelle stratégie de défense intégrée" contre les menaces militaires, jugées réelles, que représentent pour le royaume alaouite l'Espagne au Nord et l'Algérie à l'Est. Une préconisation, explique le journaliste, en forme d'aveu d'existence d'une paranoïa aiguë qui fait penser aux auteurs de l'étude que le Maroc est pris en tenailles entre deux menaces militaires puissantes et durables. L'obsession durable "d'identifier ses ennemis et rivaux historiques" est donc bien appuyée dans cette étude adossée à l'examen de la balance militaire et, en filigrane, le souci d'atteindre au moins la parité stratégique avec l'Algérie. Ses auteurs ne manquent donc pas de suggérer que les FAR doivent au moins mettre à jour leur outil de défense pour rattraper les retards technologiques et être en mesure de répondre le cas échéant "aux manifestations de la supposée menace stratégique venue de l'Est". "On sait que la dissuasion consiste à prévenir un acte éventuel en persuadant celui qui l'envisagerait que les coûts consécutifs en excéderaient les bénéfices escomptés. Il est vrai que l'adoption par le Makhzen de la théorie de la dissuasion stratégique est dans l'ordre logique des choses, l'idée que la possession de moyens militaires appropriés est de nature à dissuader un "pays ennemi" d'attaquer remontant à l'Antiquité". Mais le Maroc veut par conséquent renouveler la place de la dissuasion dans sa stratégie défensive-offensive. Pour que cette nouvelle stratégie militaire offensive puisse avoir du sens, il faudrait que l'état-major des FAR et le cabinet du palais royal soient en mesure d'évaluer avec précision les coûts, les gains et les pertes de leurs actions, estime M. Khelassi. Pour lui, le Maroc est donc "dans une posture paranoïaque permanente. Délires découlant probablement du rêve grandiose du "Grand Maroc" et des "stratégies d'expansion des empires marocains". Par ailleurs, l'étude du think tank Forum FAR Maroc, qui a fait sienne la devise latine "si vis pacem para bellum" (pour avoir la paix il faut préparer la guerre), reconnaît de prime abord que la naissance de l'Algérie indépendante a constitué "la menace majeure sur l'existence du Maroc actuel". ==Le Sahara occidental un des dossiers à l'origine de l'"anormalité" des relations avec le Maroc == Noureddine Khelassi rappelle dans sa contribution la pertinente formule de l'ancien ministre des Affaires étrangère Ramtane Lamamra : "Les relations avec le Maroc sont anormales ( ), même si les relations entre les deux peuples sont exemplaires". Le journaliste explique cette "anormalité " par l'existence de deux pommes de discorde à savoir, le Sahara occidental (occupé par le Maroc depuis 1975) et la frontière terrestre hermétiquement fermée (avec l'Algérie). Sur le dossier sahraoui, "n'en déplaise toujours au voisin marocain, la position de l'Algérie est en parfaite harmonie avec la légitimité internationale". En témoigne, entre autres résolutions, la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui rappelle que le Sahara occidental ne fait pas partie du Maroc, confirmant ainsi la position de l'ONU, celle de l'Union africaine (UA) et la position de principe de l'Algérie, rappelle M. Khelassi dans son article. A ce sujet, les autorités algériennes successives ont souvent invité le Maroc à dissocier les problèmes bilatéraux de la question du Sahara occidental qui est de la responsabilité de l'ONU. L'autre pomme de discorde est les 1.559 km de frontière qui constituent la plus longue frontière terrestre fermée au monde. Quoique bien fermée, cette ligne de démarcation reste néanmoins ouverte aux échanges transfrontaliers irréguliers. Le Maroc pratique ce que les spécialistes appellent une "teichopolitique", c'est-à-dire une politique de cloisonnement de l'espace et d'édification de barrières diverses. Raisons officielles invoquée: "la lutte contre l'immigration clandestine, la contrebande et la protection face au terrorisme". Arguments injustifiés, estiment les Algériens qui répondent par le creusement de tranchées à la construction de barrières murales par le Maroc". Pour l'instant, l'ouverture de la frontière est plus un souhait ardent marocain qu'algérien. Rabat déclare vouloir ouvrir la frontière, tout en construisant des murs le long de la frontière et prétend fallacieusement se heurter au refus des autorités algériennes. Ces dernières sont pourtant catégoriques: elles n'ouvriront pas la frontière tant que les points en litige ne seront pas éclaircis à la faveur d'un dialogue serein et déconnecté du problème du Sahara occidental, conclut le journaliste.