Ennemi insaisissable, le nouveau coronavirus SARS-coV-2, cet infiniment petit, potentiellement "rusé", extrêmement mutant et substantiellement pathogène a conduit de nombreux Constantinois à recourir à l'automédication au moment où d'autres sont tétanisés et souffrent de nosophobie. Insidieuse et meurtrière, la pandémie du Covid-19 continue son inexorable et rapide expansion en l'absence de traitement spécifique ou d'un vaccin, dont plusieurs sont actuellement au stade de l'expérimentation, mais aussi à la faveur de mutations susceptibles d'influer substantiellement sa pathogénicité et, partant, sa virulence et sa propension à contaminer plus vite. Estimant que "même si de grands progrès ont été enregistrés dans la connaissance de ce virus et particulièrement sa biologie, des incertitudes dominent," Djamel Zoughailech, professeur en épidémiologie et médecine préventive au CHU de Constantine, a indiqué à l'APS, qu'à travers différentes données récentes "la mutation de certaines souches porte sur la partie codant la structure des protéines lui permettant de pénétrer dans la cellule, produisant ainsi plus de charge virale et détruisant plus rapidement les cellules." Le Pr. Zoughailech a souligné, en ce sens, "la difficulté d'appréhender les effets de telle ou telle mutation sur la sévérité (mortalité, admission en réanimation) du virus, car elle dépend en grande partie de facteurs comme l'âge du patient, les comorbidités, la génétique et d'autres inconnues." Et d'ajouter : "Cela n'explique pas, toutefois, les flambées épidémiques dont les signaux d'alerte sont les chaînes de transmission (clusters, regroupements de personnes...) et la transmissibilité du virus par le biais de gouttelettes expirées par les mains, des surfaces contaminées, en plus de la confirmation d'une transmission aérienne". Mettant l'accent sur "les caractéristiques du SARS-coV-2 qui lui confèrent un fort potentiel épidémique", Pr. Zoughailech relève la nécessité de comprendre que "cette épidémie est inévitable car le virus est parmi nous, pouvant être porté par n'importe lequel d'entre nous et avec lequel nous allons devoir vivre un certain temps encore indéterminé." Selon ce spécialiste, les principales mesures visant à rompre la chaîne de transmission du virus et sa propagation dans les foyers, dans les quartiers et en milieu professionnel notamment, restent les mesures barrières adoptées par tous les pays du monde, à savoir le port obligatoire du masque, la distanciation sociale et le lavage des mains. Il a également soutenu que "des mutations éventuelles risquent de remettre en cause l'efficacité des futurs vaccins d'où l'importance de déployer des efforts de prévention pour contenir au maximum l'extension de l'épidémie." Ces efforts permettraient également de soulager les personnels soignants, acculés et épuisés par le nombre croissant des contaminations, se traduisant, selon le Pr. Zoughailech, par de "l'anxiété justifiée par le taux élevé de personnel contaminé et même décédé et ce, en l'absence de prise en charge psychologique, en plus de subir parfois l'agressivité des patients et de leurs proches." -- Automédication et prescriptions "par téléphone" -- S'agissant du protocole thérapeutique adopté par l'Algérie, à l'instar d'autres pays pour réduire la sévérité de l'affection, la réplication du virus et l'effet de contamination, jugé "pas dangereux si les précautions d'usage des molécules utilisées sont respectées", le praticien spécialiste a mis en garde contre "l'automédication à laquelle recourent bon nombre de citoyens. C'est le cas de Mohamed K., 56 ans, qui a "délibérément choisi de ne pas consulter et se rendre à l'hôpital en raison de la saturation des unités Covid de Constantine et le manque de moyens", confie-t-il à l'APS, et ce même après avoir présenté plusieurs symptômes de la maladie (asthénie, fièvre, maux de tête et toux) début juillet. "J'ai préféré m'auto-confiner chez moi au lieu d'aller dans une structure de santé bondée de malades, avec un personnel soignant complètement épuisé", indique-t-il, admettant avoir contacté un ami médecin qui lui a prodigué quelques conseils et prescrit "par téléphone" un antibiotique et des vitamines pour renforcer son immunité. Et de poursuivre : "J'ai passé des moments difficiles et ressenti tour à tour des sentiments divers, un mélange de stress, d'angoisse et d'incertitudes quant à l'efficience du traitement que mon ami médecin m'avait demandé de prendre, craignant pendant plusieurs jours de développer une forme sévère de Covid-19". A cet effet, plusieurs praticiens ont fait part à l'APS de leurs "craintes" suscitées par le recours "ostensible" de nombreux citoyens à l'automédication, une pratique comportant des risques à même d'entrainer de sérieuses complications chez certains patients et ce, sans compter le fait, relèvent-ils, que de nombreux malades échappent ainsi completement aux statistiques officielles. Président du Conseil régional de l'ordre des médecins de Constantine et chef de service des brûlés au CHU Benbadis, le Pr. Rachid Djenane estime, pour sa part, que "l'automédication relève essentiellement de la culture d'une certaine catégorie de la population habituée à y recourir, aux relations sociales faites de promiscuité et qui a, d'autre part, une perception religieuse erronée, où se mêlent fatalisme et fausses croyances et qu'on ne peut éradiquer que par plus d'éducation et de civisme." Le Pr. Djenane met en exergue, à ce propos, la difficile gestion d'une pandémie de cette nature avec pour corollaire l'épuisement des équipes médicales (burn-out constaté à travers le monde), insistant sur le "rôle essentiel de la population en tant que soutien des efforts déployés par tous les personnels de la santé." Le président du Conseil régional de l'ordre des médecins de Constantine, déplore, par ailleurs, "le manque d'appréhension d'une grande partie de la population qui néglige et refuse parfois de respecter les mesures de prévention, tels que le port de masque, la distanciation physique, le lavage des mains et qui refuse de faire l'impasse sur le sacrifice de l'Aid El Adha, malgré l'avis des autorités scientifiques recommandant de s'y abstenir, motivées par le risque d'une plus grande propagation du coronavirus." Pour rappel, le corps médical et paramédical déplore une cinquantaine de victimes du coronavirus et près de 3 000 contaminations depuis l'apparition de l'épidémie en Algérie en février dernier.