Les sanctions imposées par le Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) contre le Mali risquent d'avoir des conséquences "très préjudiciables" sur la situation socio-économique du pays et les conditions de vie des populations locales et voisines, préviennent des experts, cités par des médias locaux. La Cédéao a décidé, mardi 18 août, de la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes des pays membres avec le Mali. L'organisation sous régionale a, également, suspendu toutes les relations économiques, financières et commerciales avec le Mali. Cela, pour exiger la libération immédiate de l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta et de son Premier ministre et le rétablissement de l'ordre constitutionnel. En application de cette décision, le gouvernement ivoirien a instruit la fermeture de ses frontières terrestres et aériennes avec le Mali, depuis le 18 août, jusqu'à nouvel ordre. Ces décisions des autorités ivoiriennes ne sont pas sans conséquences sur l'économie et les populations qui risquent d'en pâtir davantage. "Si l'embargo de la Cédéao perdurait, amplifié par d'éventuelles sanctions de la communauté internationale, ce sera dramatique pour un pays enclavé comme le Mali", prévient l'économiste et spécialiste en analyse stratégique, Cheickna Bounajim Cissé. Lire aussi: Mali: la majorité présidentielle affiche son soutien au plan de la Cédéao Pour cause, 90% des produits manufacturés qui sont consommés au Mali sont importés, argumente l'économiste. La Côte d'Ivoire représente près de 40% du PIB de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), ajoute Cheickna Bounajim Cissé, également conseiller du directeur général de la Banque internationale pour le Mali (BIM SA). "Les conséquences induites par la suspension des flux financiers pourraient être catastrophiques pour une économie malienne faible", analyse l'expert. Pour lui, le système financier local risque de prendre un grand coup qui pourrait lui être "très préjudiciable". Aussi, les transferts des Maliens de l'extérieur vers leur pays pourront ralentir considérablement, prévoit cet analyste financier. "La question essentielle est de savoir combien de temps le Mali pourrait tenir face à l'embargo", commente-t-il. "Et même après sa levée, les plaies économiques et financières mettront du temps à cicatriser. On a vu après les événements de 2012, l'économie malienne est tombée en récession et huit ans après elle n'avait toujours pas redémarré", rappelle Cheickna Bounajim Cissé. Fort heureusement, pour lui, le sommet des chefs d'Etat, par visioconférence, jeudi dernier, a exclu de l'embargo les denrées de première nécessité, le carburant, l'électricité, les médicaments. Des produits dont la pénurie impacterait directement la vie des populations. Risques sur les économies voisines Vingt quatre heures seulement après l'application de la première sanction prise par la Cédéao contre le Mali, à savoir, la fermeture des frontières aériennes et terrestres de ce pays, les premières conséquences sont déjà visibles. Mais pas que pour le Mali. Jeudi dernier, des médias locaux ont rapporté que plusieurs camions sénégalais et maliens transportant des marchandises ont été bloqués des deux côtés de la frontière que partagent les deux pays. Le Mali est, de part sa position stratégique, " incontournable" dans l'expédition des marchandises sénégalaises au sein de l'espace de l'UEMOA. "La part des produits acheminés vers le Mali, principale destination des exportations du Sénégal dans l'Union, est passée de 48,0% à 45,7% en juin 2020", selon des données officielles, qui ajoutent que le ciment reste le principal produit exporté vers le Mali avec une part évaluée à 28,6% en juin 2020, contre 29,1% le mois précédent. De l'avis des analystes, l'impact est presque similaire sur la Côte d'Ivoire, également partenaire de premier plan du Mali en matière d'échange économique et commercial. Par conséquent, ces mesures gripperont toute la chaîne de fourniture, de commerce et d'industrie du corridor Abidjan-Bamako. Ainsi le prix du kg de la viande risque de flamber dans les pays voisins. Le Mali étant leur principal fournisseur en bétail. Le Syndicat des vendeurs de bétail a demandé à ses militants de respecter scrupuleusement la décision relative à la fermeture des frontières. Lire aussi: Mali: les militaires mutins proposent une transition de 3 ans dirigée par un militaire Ce sont donc les commerçants et camionneurs aussi bien maliens que sénégalais qui sont les premières victimes de cette fermeture des frontières avec effet immédiat. Lors de la visioconférence des chefs d'Etats de la Cédéao, jeudi, l'organisation sous-régionale avait annoncé qu'elle allait rompre " les flux financiers et commerciaux" avec le Mali. Un moyen de pression, qui est déjà en vigueur à travers la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), qui a suspendu la plupart de ses activités. Depuis plusieurs jours, les guichets de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'ouest à Bamako sont fermés. Cette mesure se base "sur une instruction verbale" de bloquer les flux financiers, rapportent des médias. "Impossible de dire combien de temps les banques tiendront, mais nous sommes dans une situation hors norme", déplore Hamadoun Bah, le secrétaire général du Synabef, syndicat malien regroupant banques et assurances. Ce syndicaliste exprime une inquiétude : celle de voir les banques manquer de liquidités. En attendant les dernières discussions entre le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) et la mission de la Cédéao, reportées à jeudi ou vendredi, vont dans le bon sens, assurent les deux parties.