La démission forcée du président malien intervient après deux mois d'un bras de fer avec une opposition qui s'est montrée déterminée à aller jusqu'au bout de son mouvement de contestation appelant à son départ et à l'installation d'un gouvernement de transition. Les militaires putschistes maliens ont affirmé hier leur intention de remettre rapidement le pouvoir aux civils, après avoir renversé mardi soir le désormais ex-président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), mettant fin à une crise politique qui l'a fortement fragilisé ces deux derniers mois. "Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l'histoire", a déclaré à la télévision publique ORTM le porte-parole des militaires mutinés, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air. "Notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l'anarchie et l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée", a accusé l'officier. "Nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays, qui nous permettra d'organiser dans des délais raisonnables des élections générales pour permettre au Mali de se doter d'institutions fortes", a également dit Ismaël Wagué. Alors que le pays est momentanément isolé par ses voisins, qui ont fermé leurs frontières terrestres et aériennes, les militaires putschistes se sont engagés à respecter les engagements déjà pris par le pouvoir déchu, dont celui de la poursuite de la mise en œuvre de l'accord de paix, issu du processus d'Alger, ainsi que le respect des résolutions issues du dialogue national inclusif qu'IBK avait organisé pour sortir de l'impasse politique et tenter de mettre fin à une situation sécuritaire catastrophique dans le centre et le nord du Mali, et qui constitue en partie l'une des raisons de sa démission forcée du palais de Koulouba, après sept ans de règne différemment apprécié au début, mais au bilan très critiqué durant ces deux dernières années de son second mandat. Arrêté en fin d'après-midi à son domicile, ainsi que son Premier ministre Boubou Cissé, IBK a annoncé sa démission dans un bref discours à partir du camp de Soundiata Keïta, sis dans la ville-garnison de Kati (15 km au nord-ouest de Bamako), où il avait été emmené par les militaires putschistes. "Je voudrais à ce moment précis, tout en remerciant le peuple malien de son accompagnement au long de ces longues années et la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment", a dit M. Keïta dans une allocution diffusée par la télévision nationale ORTM. "Et avec toutes les conséquences de droit : la dissolution de l'Assemblée nationale et celle du gouvernement", a-t-il ajouté. La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a dénoncé ce coup d'Etat mardi soir. Dans son communiqué, l'organisation régionale "condamne avec la plus grande fermeté le renversement par des militaires putschistes du gouvernement démocratiquement élu du président Ibrahim Boubacar Keïta", "dénie catégoriquement toute forme de légitimité aux putschistes et exige le rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel". La Cédéao avait tracé une feuille de route de sortie de crise, excluant complètement les propositions de l'opposition malienne, que la médiation ouest-africaine a ouvertement menacée de sanctions. Ce qui a aggravé le climat de tension à Bamako et aurait probablement fourni un argument à l'action d'une partie de l'armée malienne pour renverser IBK, ce qui a été applaudi par une partie de la population dans la capitale Bamako, rapportent plusieurs sources et les vidéos relayées sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, une visioconférence des chefs d'Etat de la Cédéao sur "la situation au Mali" se tiendra aujourd'hui sous la présidence du président du Niger, Mahamadou Issoufou, a annoncé dans la nuit de mardi à hier la Présidence nigérienne. Lyès Menacer