La récente décision du ministère du Commerce d'autoriser les agriculteurs à vendre directement leurs produits aux consommateurs à travers les marchés de gros et de détail a été saluée par l'Union nationale des paysans algériens(UNPA), considérant que cette démarche est susceptible de "freiner la spéculation". Invité par l'APS à s'exprimer sur cette décision en tant que représentant des agriculteurs, le secrétaire général de l'UNPA, Mohamed Alioui a salué cette instruction ministérielle qui contribuera selon lui, à "lutter contre la spéculation et à la hausse des prix des fruits et légumes pratiquées souvent par des intermédiaires illégaux". Il a soutenu que l'autorisation des agriculteurs à vendre sans intermédiaires leurs produits aux consommateurs constituait une "mesure susceptible de contribuer à freiner la spéculation en traquant les intermédiaires illégaux". Interrogé sur les frais de transport des produits agricoles vers les marchés de gros et de détail et leur éventuelle incidence sur les prix, M. Alioui a fait savoir que ces frais "seront prises en charge par les coopératives agricoles desquelles dépendent les agriculteurs". "Tous les frais de transport des produits des agriculteurs vers les espaces de vente (gros et détail) sont financés par les cotisations des agriculteurs, adhérents à des coopératives agricoles", a-t-il assuré, en avançant que son organisation allait organiser des rencontres avec les agriculteurs pour vulgariser cette nouvelle démarche. Concernant les espaces aménagés aux agriculteurs pour étaler leurs produits au niveau des marchés de gros et de détail relevant du ministère du Commerce, le Directeur général de la Régulation et l'organisation des marchés au même ministère, Sami Koli a déclaré à l'APS que cinq marchés de la SPA Magros ont déjà des espaces dédiés aux agriculteurs pour la vente directe de leurs produits aux consommateurs. Lire aussi: Hausse des prix des produits de large consommation: des instructions pour intensifier le contrôle Il s'agit des marchés se trouvant dans les wilayas d'Ain Defla, Sétif , Ourgla, Béchar et Mascara. M.Kolli a fait savoir que les autres marchés, relevant des collectivités locales, ont reçu des instructions pour faciliter l'accès aux agriculteurs afin d'étaler leurs produits et assurer la vente directe aux consommateurs, une décision prise, explique-t-il, après avoir constaté une hausse "injustifiée" des prix des légumes et fruits. Dimanche, le ministère du Commerce a annoncé l'autorisation des agriculteurs à vendre "directement" leurs produits aux consommateurs au niveau des marchés de gros et même de détail, justifiant sa décision par le souci de "réguler le marché et lutter contre la spéculation". Une mesure mal digérée par les commerçants Au lendemain de l'entrée en vigueur de la décision, une tournée effectuée par l'APS au niveau de quelques marchés de la capitale a, cependant, montré que la mesure en question nécessitait du temps pour son application sur le terrain, en raison notamment du manque d'espace au niveau de certains marchés, alors que des commerçants s'interrogent sur l'utilité, voire la légalité d'une telle démarche. Au marché de gros des Eucalyptus, certains mandataires rencontrés sur place ont fait part de leur "méconnaissance" et même de leur "mécontentement" vis-à-vis de cette nouvelle décision Selon Nassim, commerçant rencontré au niveau de ce marché a indiqué que "le mandataire est un passage obligatoire et légal qui permet la traçabilité et surtout le contrôle des produits et leurs prix". Au niveau du marché de détail de la cité Hayet dans la commune de Gué de Constantine, les commerçants disent ne pas être informés de cette décision qui, selon eux, "n'arrange pas les vendeurs". Hakim, un jeune vendeur de fruits et légumes, juge que cette mesure est "contre l'intérêt des commerçants détaillants". Un autre commerçant vendeur d'oignons s'attend, quant à lui, à ce que cette décision "ne suscite pas l'intérêt des agriculteurs qui préfèrent vendre leurs produits sur le champ aux revendeurs". Lire aussi: Les chambres d'agriculture appelées à assumer leur rôle d'accompagnateurs Des avis similaires ont été recueillis auprès de plusieurs commerçants au marché de détail de fruits et légumes de la commune de Kouba. Vendeur de détail depuis 30 ans, Abdelkader a soutenu que "le fait d'autoriser les producteurs de fruits et légumes à vendre leurs produits directement aux consommateurs ne pourra pas ramener les prix à la baisse". "Je pense que le problème de la hausse des prix des fruits et légumes réside dans la multiplication effrénée des intermédiaires qui échappent au contrôle des services du commerce", a-t-il ajouté. "Une telle décision nécessite beaucoup de temps pour être appliquée sur le terrain: comme vous constatez, le marché manque d'espaces, où va-t-on accueillir les agriculteurs?", s'interroge Bachir, un commerçant au niveau du marché de Birkhadem . "Le marché est complètement dégradé, il faut d'abord aménager des espaces pour les commerçants locataires avant de penser à ramener des agriculteurs!", enchaîne un autre vendeur. Il demeure, toutefois, prématuré, selon plusieurs observateurs, de tirer des conclusions sur les répercussions de cette mesure sur la courbe des prix à la consommation des fruits et légumes et sur sa mise en œuvre par les agriculteurs.