La commémoration du 1er Novembre 1954, date du déclenchement de la Guerre de Libération nationale du joug colonial français, représente pour le peuple algérien un moment de ressourcement et de communion autour d'un élément fondamental de son identité nationale et de son histoire. Cette commémoration revêt cette année une dimension particulière, coïncidant avec la résurgence outre-mer de discours politiques déniant le caractère profondément inhumain et raciste de la colonisation, et les crimes abominables et barbares qu'elle a engendrés en Algérie. Face à ces discours de déni récurrent, le peuple algérien a toujours fait montre d'un attachement viscéral à sa mémoire collective: les crimes de guerre et contre l'humanité commis par les armées françaises durant les 132 ans qu'a duré la colonisation y sont gravés à tout jamais. C'est dans cette mémoire collective que la Nation algérienne a puisé la force et trouvé les ressorts nécessaires pour se soulever et arracher sa liberté et son indépendance en 1962 après une lutte armée de 7 ans et demi et des sacrifices incommensurables. Durant ces 132 ans, la France coloniale a commis des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre fondée sur une idéologie de purification ethnique ayant pour objectif de remplacer les populations autochtones par des apports de populations étrangères. Des historiens et des chercheurs estiment à cinq (05) millions et demi le nombre d'Algériens victimes de ces crimes, soit plus de la moitié des habitants de l'Algérie sous occupation coloniale. La commémoration de cette date phare de l'histoire nationale intervient dans le sillage de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961 à Paris, qui illustrent la barbarie du système colonial. Dans la nuit du 17 octobre 1961, des milliers d'Algériens et d'Algériennes avaient manifesté pacifiquement dans la capitale française pour dénoncer le couvre-feu inique et discriminatoire décrété à leur encontre par le préfet de police Maurice Papon. Plusieurs d'entre eux avaient été exécutés sommairement par balles, jetés vivants dans la Seine ou battus à mort, selon les témoignages de survivants et d'anciens policiers français. Cette manifestation, réprimée dans le sang, avait fait un millier de victimes, selon Mohamed Ghafir, ancien responsable du Front de libération nationale (FLN) dans la région Nord de Paris, pendant la Guerre de Libération. De nombreux historiens algériens et français ont demandé à la France officielle de reconnaitre les massacres du 17 octobre 1961 comme étant un crime d'Etat. Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a décidé la veille de la commémoration de ces massacres de décréter l'observation d'une minute de silence, le 17 octobre de chaque année à 11h à travers tout le territoire national, à la mémoire des Chouhada tombés lors de ces évènements tragiques. L'impératif de la reconnaissance des crimes coloniaux Lors d'une rencontre tenue récemment avec des représentants de médias nationaux, le président Tebboune a affirmé que "la France a commis (durant la colonisation) des crimes à l'encontre du peuple algérien que les paroles ne sauraient occulter", en référence à des déclarations du président français Emmanuel Macron. Il a conditionné le retour de l'ambassadeur d'Algérie à Paris par le "respect total de l'Etat algérien", soulignant que "la France doit oublier que l'Algérie était une colonie". L'Algérie avait rappelé, début octobre, pour consultations, son ambassadeur à Paris, suite aux propos non démentis que plusieurs sources françaises ont attribué nommément au président français, portant atteinte à l'histoire et aux institutions de l'Etat algérien, les qualifiant d''ingérence inadmissible" dans ses affaires intérieures. Le président de la République a décidé en 2020, d'instituer une Journée nationale de la mémoire, à l'occasion du 75e anniversaire des massacres commis en Algérie par les autorités coloniales françaises le 8 mai 1945, afin de préserver cette mémoire -élément déterminant de l'identité nationale- de toute altération et de la transmettre aux générations futures. Le 8 mai 1945, et alors que les Français célébraient la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie marquant la fin de la Seconde guerre mondiale, des dizaines de milliers d'Algériens étaient sortis dans les rues de Sétif, Guelma, Kherrata et dans d'autres villes pour revendiquer pacifiquement l'indépendance de l'Algérie, ainsi que l'avait promis la France s'ils la soutenaient dans son combat contre le nazisme. La réponse du gouvernement français d'alors fut sanglante, d'une brutalité inouïe: quelque 45.000 Algériens furent massacrés par les forces coloniales et leurs milices. Ces massacres ont constitué un tournant décisif dans la trajectoire du mouvement national et la prise de conscience que seule la lutte armée pouvait libérer l'Algérie de la domination française. Outre l'institution de cette Journée nationale de la mémoire, une chaîne de télévision nationale spécialisée en Histoire, ayant pour vocation de préserver et transmettre la mémoire nationale aux générations actuelle et futures, a commencé à diffuser ses programme depuis l'année dernière. Le dossier de la mémoire sur la période de la colonisation et la Guerre de Libération est d'une très haute importance pour l'Algérie qui exige la reconnaissance des crimes coloniaux. Le président Tebboune a affirmé que cette question "hypothèque beaucoup de choses dans les relations bilatérales" entre l'Algérie et la France. Le dossier de la mémoire renferme également les questions de la restitution de la totalité des archives de l'Algérie transférées en France, des explosions nucléaires dans le Sud algérien et des disparus durant la Guerre de Libération.