L'économie marocaine reste dominée par quelques familles qui s'agglutinent autour de l'Etat, accaparant les richesses et les capacités du pays dans le cadre d'un "système rentier, corrompu et autoritaire", indique l'économiste marocain, Fouad Abdelmoumni. "L'un des plus importants blocages structurels de l'économie marocaine réside dans le fait qu'elle n'est ni dirigiste volontariste, ni libérale compétitive", relève Abdelmoumni dans un entretien accordé récemment à l'agence Sputnik. Cette situation empêche le" vrai décollage en matière de création de richesses et d'emplois", déplore ce militant des droits de l'homme. Résolument pessimiste, l'économiste explique que le Maroc a atteint "les limites de ses capacités de mobilisation de fonds sur les marchés financiers internationaux" en raison da la baisse drastique de sa croissance économique en 2020 et son important endettement extérieur. "Dans le contexte où l'Etat et ses élites refusent de remettre en cause les fondements de l'économie qui ont généré cette situation, le Maroc ne peut pas décoller économiquement", prévient l'activiste, également membre du conseil d'administration de Transparency International Maroc. Il faut mettre fin à "la prédation et l'accaparement de la richesse du pays par une petite élite autour du roi et à la mauvaise gestion et la corruption du système administratif marocain", plaide Abdelmoumni, qui déplore l'absence de volonté politique de " prendre à bras le corps ces blocages majeurs de l'économie et de la société marocaines". Selon les chiffres fournis par cet économiste, "plus d'un million et demi de chômeurs, trois millions d'aides familiales non rémunérées et trois millions de travailleurs dans le secteur informel ne disposent d'aucune sécurité sociale". L'argent coule à flots autour du sérail Et " actuellement, pas moins de 55% de marocains se sentent pauvres à cause de l'érosion du pouvoir d'achat", alerte l'activiste, ciblé par Pegasus, le logiciel espion israélien utilisé par le Maroc pour surveiller des militants et des journalistes. Alors que le peuple marocain, dans sa majorité, vit dans la précarité, au sommet de la monarchie l'argent coule à flots. Les dernières élections législatives, organisées le 8 septembre dernier, ont abouti à la victoire du Rassemblement national des indépendants (RNI), à sa tête le richissime Aziz Akhannouch, nommé par la suite Chef de gouvernement. Avec une fortune dépassant les 2 milliards de dollars, l'homme d'affaires est l'actionnaire majoritaire du Groupe Akwa, l'une des plus importantes entreprises familiales au Maroc. Bien avant les élections ayant conduit le chef du RNI à la tête du gouvernement, plusieurs partis politiques marocains avaient dénoncé "l'usage illégal" de l'argent durant la campagne des élections, notamment par le parti d'Azziz Akhannouch. "Nous accusons le RNI d'inonder la scène politique avec l'argent", dénonçait Abdellatif Ouahabi, secrétaire général de la deuxième force politique du royaume, le parti Authenticité et Modernité (PAM), tandis que le parti de la Justice et du développement (PJD), à la tête du gouvernement de 2011 à 2021, avait condamné "l'utilisation obscène de fonds pour attirer les électeurs et certains superviseurs des bureaux de votes". Au lendemain de ces mêmes élections, Transprency International Maroc a, pour sa part, critiqué "l'usage massif" de l'argent pour l'achat de voix et les candidatures d'anciens élus impliqués dans des affaires de corruption et dilapidation de deniers publics. L'organisation avait, alors, appelé le pouvoir judicaire à" instruire, dans les plus brefs délais, les dossiers de corruption impliquant les élus et à ouvrir des investigations sur les pratiques illégales qu'avaient connues ces élections".