La demeure des frères Benchaïba, perchée au cœur du massif des Aurès, dans la commune d'Ichemoul, théâtre de l'ultime réunion qui fit jaillir, le 1er novembre 1954, l'étincelle de la Révolution, ainsi que le musée attenant, exercent une véritable force d'attraction de citoyens de tout le pays, mais aussi d'historiens, de chercheurs et d'étudiants. Il arrive même que la maison des Benchaïba et le musée réalisé dans son voisinage soient carrément "envahis" lors des dates célébrant des fêtes nationales ou commémorant des faits historiques liés à la guerre de libération nationale, comme le 1er novembre, le 5 juillet (fête de l'indépendance), le 20 août (journée du Moudjahid) ou encore le 19 mars (fête de la victoire). Le musée, construit tout près de la demeure des frères Benchaïba, regorge, malgré son exiguïté, de témoignages écrits, de documents d'époque et de photographies de Moudjahidine et de Martyrs de toute la région des Aurès. A l'intérieur de la maison, le visiteur éprouve de l'émotion lorsqu'il se déplace entre les différentes pièces de la demeure, construite en pierre, et qui a conservé son style traditionnel et certaines émanations odorantes que quelques-uns parmi ceux qui ont vécu la glorieuse Révolution jurent "percevoir". Un peu comme s'ils étaient revenus de nombreuses années en arrière, sur les traces du Chahid Mostefa Benboulaïd et de ses compagnons qui ont fait "exploser", dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, la Révolution armée qui finira par venir à bout des manœuvres coloniales et de la soldatesque française. Yacine Benchaïba, membre de l'Assemblée populaire de wilaya (APW) de Batna, souligne les efforts déployés pour préserver le style architectural de la demeure dans son ensemble, malgré sa taille importante, et pour la maintenir dans son état originel. L'élu affirme que le montant de l'ordre de 20 millions de DA alloué par la wilaya pour la restauration de la maison des Benchaïba a contribué à sa préservation, stoppant les effondrements qui se produisaient çà et là, en employant les mêmes matériaux utilisés lors de sa construction il y a de très nombreuses décennies. M. Benchaïba ajoute que ce site, y compris le musée, a été placé depuis un certain temps sous la tutelle de la commune d'Ichemoul qui espère équiper la demeure et ses pièces, qui ont accueilli la réunion au cours de laquelle les premières armes de la Révolution avaient été distribuées sous la direction du Martyr Mostefa Benboulaïd, afin que ce haut lieu de la lutte armée soit à la hauteur de cet événement historique. Dechrat Ouled Moussa est "définitivement entrée dans l'histoire, et par la grande porte", estiment plusieurs habitants de la commune d'Ichemoul, approchés par l'APS. Un citoyen de cette petite localité considère que les jeunes générations et celles qui suivront doivent être conscients de l'importance de tels monuments dans la préservation de la mémoire nationale" et aussi des énormes sacrifices consentis par le peuple algérien pour recouvrer sa liberté. Pour rappel, la demeure des frères Benchaïba, au lieu-dit Dechrat Ouled Moussa, avait accueilli la célèbre réunion de Moudjahidine de la première génération, dirigés par le Martyr Mostefa Benboulaïd, au cours de laquelle des armes avaient été distribuées, donnant ainsi le signal de la déflagration de Novembre. Nuit fatidique C'est au cœur de cette petite dechra, nichée au cœur d'une zone stratégique entre les localités de T'kout, d'Arris et d'Ichemoul, que les premiers groupes de combattants, sortis dans la nuit du 1er novembre 1954, à 0 heure précise, ont frappé des objectifs ciblés dans la région des Aurès. Le défunt Moudjahid Amar Benchaïba avait indiqué, il y a quelques années, dans une déclaration à l'APS, que la réunion, organisée sous son propre toit, a constitué un "tournant décisif" dans le cours de la Révolution que "rien ne pouvait désormais arrêter". Il avait également indiqué que l'endroit était "parfaitement approprié pour accueillir cette réunion", compte tenu de l'emplacement de la maison et de sa taille importante, celle-ci se composant, en effet, de 3 grandes cours et de 20 pièces. Pour sa part, le secrétaire de wilaya de l'Organisation nationale des Moudjahidine (ONM), Abed Rahmani, affirme que grâce au "secret total" qui avait entouré la réunion de Dechrat Ouled Moussa, les forces d'occupation "n'avaient rien vu venir". Seuls, en effet, les chefs des groupes de combattants "étaient au fait de ce qui se préparait", soutient-il. De nombreux Moudjahidine parmi ceux qui ont participé à la réunion, aujourd'hui disparus (Amar Benchaïba, Mohamed Beziane, Ahmed Gadda, Mohamed Djarmoun, Djoudi Kiour et autres) avaient rappelé que Mostefa Benboulaïd avait expressément demandé à tous ceux qui étaient entrés dans la demeure des Benchaïba de n'en sortir que sur son ordre. Selon ces témoins, tout s'était déroulé comme l'avait prévu Benboulaïd. A 0 heure précise, 300 combattants armés et résolus, prêts à mourir, s'étaient lancés dans la nuit pour écrire, en lettre de sang, la première page d'un long combat qui allait aboutir, sept années et demi plus tard, à l'indépendance de l'Algérie.