KAMPALA (Ouganda)- Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a prononcé lundi à Kampala une allocution sur les questions de paix et sécurité en Afrique, à l'occasion de la 15e session ordinaire du sommet de l'Union africaine (UA). Voici le texte intégral : "Monsieur le Président, Madame et Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement, Excellences, Mesdames et Messieurs, Notre continent consolide chaque jour la pratique de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit, tout en s'attelant à résoudre les problèmes de l'insécurité et de l'instabilité, et en renforçant le recours au dialogue et à la médiation pour le règlement des différends. Ces évolutions ont été accompagnées par des résultats appréciables en matière de croissance économique et de valorisation des atouts qui font de l'Afrique un partenaire de plus en plus crédible et recherché sur la scène mondiale. Le processus de mise en place de l'architecture africaine de paix et de sécurité, dont certaines composantes sont déjà fonctionnelles comme le Conseil de paix et de sécurité et le Groupe des Sages, fait partie de cette démarche africaine. C'est l'occasion pour moi d'exprimer notre gratitude aux membres du Groupe des Sages et à son président, S.E. le président Ahmed Benbella, qui se dévouent pour un idéal qui leur est cher, celui d'une Afrique où prévaudra la paix, et qui pourra ainsi consacrer toutes ses énergies à relever les défis du développement économique et social. Permettez-moi, également, de remercier les membres du Conseil de paix et de sécurité pour l'engagement dont ils ont fait preuve dans la prise en charge de leurs responsabilités et de féliciter les nouveaux membres élus, en leur souhaitant plein succès. Monsieur le Président, La situation en Somalie nous préoccupe profondément. Cependant, les développements encourageants survenus depuis notre dernier sommet attestent des résultats positifs de la mobilisation des efforts de l'Afrique, surtout lorsqu'ils bénéficient du soutien et de l'engagement du reste de la communauté internationale. Il est temps que le Conseil de sécurité des Nations unies assume pleinement ses responsabilités afin de donner une impulsion décisive aux efforts de l'Afrique, notamment à travers le déploiement de l'AMISOM. A cet égard, l'Accord conclu en mars dernier entre le Gouvernement fédéral de transition (TFG) et le Groupe Ahl El Sunna Wal Jamaa, est un signe de la disponibilité des autorités de transition somaliennes d'oeuvrer à la mise en oeuvre de l'Accord de Djibouti. Les efforts du Gouvernement fédéral de transition devraient bénéficier d'un concours conséquent de la communauté internationale. La conférence d'Istanbul des 21 et 22 mai 2010 témoigne de l'attention que la communauté internationale porte à la Somalie et de sa disponibilité à l'aider à consolider ses institutions et à relever le défi de la reconstruction et de la restauration de l'Etat. A la faveur de la dynamique relevée à l'occasion de cette conférence, la communauté internationale doit prendre ses responsabilités pour normaliser la situation en Somalie. Comme elle l'a annoncé par le passé, l'Algérie continuera à être partie prenante aux efforts de l'Afrique pour concrétiser les objectifs de paix et de reconstruction dans ce pays. Monsieur le Président, Le Soudan a franchi une étape significative dans la mise en oeuvre de l'Accord de Paix Global (CPA) de janvier 2005 grâce à la tenue dans de bonnes conditions des élections générales d'avril 2010. Je voudrais renouveler, à cette occasion, mes félicitations au gouvernement soudanais pour la réussite de ce scrutin, tout comme je voudrais réitérer mes félicitations au président Omar Hassan El Bachir et au vice-président SALVA KIIR pour leur réélection. Un rendez-vous déterminant attend le Soudan en janvier prochain. Conformément à l'Accord de Paix Global, la population du sud du Soudan aura à se prononcer sur ses liens futurs avec le reste du pays. S'agissant d'une situation inédite sur le continent africain, nul ne peut rester indifférent à cette évolution et, surtout, aux retombées que celle-ci pourrait avoir sur le Soudan lui-même et sur le reste de l'Afrique. Autant dire que, face aux incertitudes, notre souhait est de voir toutes les parties soudanaises rechercher et exploiter les opportunités dans le sens de l'"Unité attractive" de ce pays, pour le bien de l'ensemble du peuple soudanais frère. La situation au Darfour a connu des développements encourageants avec les deux accords signés récemment à Doha, entre le gouvernement soudanais d'une part, et le Mouvement pour la justice et l'égalité et le Mouvement pour la libération et la justice, d'autre part. Il faudra poursuivre les efforts de persuasion à l'endroit des acteurs de la crise qui n'adhèrent pas encore au processus de paix pour les amener à respecter les engagements pris. Pour la contribution qu'ils ont apportée à la paix, la sécurité et la stabilité dans la région, je tiens à adresser mes félicitations à mes frères les présidents Idriss Deby Itno et Omar Hassan El Bachir. Monsieur le Président, A la faveur de la conclusion d'accords de paix, des pays africains, à l'instar du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la République Centrafricaine et de la République démocratique du Congo ont réussi à mettre fin à la spirale de violence dont ils ont beaucoup souffert. Ces évolutions méritent d'être encouragées à chaque étape pour parachever et consolider les processus de paix engagés, notamment à l'occasion de la tenue des élections et durant la phase de reconstruction post-conflit. Nous saluons le dénouement de la crise liée au vide juridique qui a suivi, à compter du 11 juin 2009, l'expiration du mandat du président François Bozize de la République Centrafricaine. Nous apprécions également la sagesse avec laquelle le président Gbagbo et son Premier ministre Guillaume Soro se sont engagés pour surmonter leurs divergences autour des listes électorales en respectant l'esprit de l'Accord politique d'Ouagadougou. S'agissant de la situation au Burundi et en République démocratique du Congo, qui tiendra ses élections en 2011, la même attention et les mêmes encouragements pour la conduite efficiente du processus de reconstruction post-conflit sont requis. La mise sur pied, en mai dernier, par le Conseil de paix et de sécurité, d'un sous-comité chargé de la reconstruction post-conflit s'inscrit dans le sens de l'approche globale que nous prônons. Pour la concrétisation des évolutions positives que nous voulons encourager au Burundi et en RDC, nous lançons un appel à toutes les parties concernées dans les deux pays pour qu'elles fassent du recours aux urnes, l'occasion de consacrer et d'enraciner les valeurs de la démocratie et de la réconciliation pour le bien de leurs peuples respectifs et de l'Afrique tout entière. Monsieur le Président, Au cours des deux dernières années, l'actualité africaine a été malheureusement marquée par des prises de pouvoir par des moyens anticonstitutionnels. Cette situation regrettable est préoccupante. Mais elle a permis de vérifier une fois de plus la validité du rejet par l'Afrique de ces modes d'accès au pouvoir et sa détermination à promouvoir des solutions démocratiques en tous moments et en tous lieux sur le continent. Le dénouement heureux survenu dans la crise en Guinée grâce à la tenue d'élections jugées globalement positives par la communauté internationale montre les avantages que l'Union africaine est en mesure de tirer en demeurant ferme sur ses principes, comme il montre ses retombées positives dans les pays connaissant des situations de changement anticonstitutionnels. Le retour à l'ordre constitutionnel ayant été accompli en Guinée, il s'agit désormais de consolider cet acquis en apportant le soutien nécessaire à ce pays pour mener à bien les deux tâches cruciales que sont la reconstruction post-conflit et la réforme du secteur de la sécurité. L'examen de la situation à Madagascar ne permet pas, malheureusement, de relever à ce stade, de signe encourageant pour une sortie de crise véritable et durable. C'est pourquoi, il nous paraît opportun de lancer de nouveau un appel aux protagonistes de la crise pour qu'ils transcendent la rigidité des positions et les approches unilatérales, surtout lorsque celles-ci se traduisent par une opposition et une remise en cause des recommandations et des efforts déployés solidairement par notre organisation continentale et l'organisation régionale d'appartenance naturelle, en l'occurrence la SADC. Il est clair que la doctrine et les décisions de notre 14e sommet de février 2010 sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement gardent toute leur pertinence pour trouver une sortie authentique de crise à Madagascar. Le Niger a connu, en février 2010, une situation de changement anticonstitutionnel que le Conseil de paix et de sécurité a tenu à condamner. Les assurances données par le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSDR) à travers un engagement clair à restaurer l'ordre constitutionnel par des élections auxquelles aucun de ses membres ne sera candidat augurent, nous l'espérons, une sortie de crise dans les délais et les conditions de nature à répondre à la doctrine et les principes de l'Union africaine en matière de lutte contre le phénomène des changements anticonstitutionnels. Monsieur le Président, La consolidation de la paix et de la sécurité est fondamentale pour le développement économique de notre continent pour la lutte contre la pauvreté et l'amélioration des conditions de vie de nos peuples. Les efforts que nous avons déployés et que nous poursuivons ont permis des progrès notables. Les défis à relever demeurent toutefois considérables. Il nous appartient de persévérer dans notre démarche collective et solidaire pour consacrer, partout en Afrique, le recours aux moyens pacifiques pour le règlement des différends et asseoir ainsi une paix durable sur le continent".