Il manquerait assurément "quelque chose" à l'ambiance de Ramadhan à Guelma sans le perçant, mais combien familier, hurlement de la sirène annonçant l'heure de la rupture du jeûne du haut de la mosquée "Abdelhamid Ben Badis". Bien que pas moins de dix mosquées diffusent quasi-simultanément dans cette ville l'appel à la prière (Adhan) du Maghreb, marquant la fin de l'abstinence, l'annonce de ce moment très attendu par les jeûneurs reste attachée à cette tradition qui plonge ses racines dans la période coloniale. Cette sirène géante qui s'apparente à celle utilisée par les unités de la protection civile fait l'objet de soins particuliers et bénéficie d'actions d'entretien annuelles à la veille de chaque Ramadhan. Selon des personnes âgées rencontrées par l'APS sur la place attenante à la mosquée Ibn Badis, cette sirène existait durant la période coloniale lorsque cette même mosquée était une église. Elle permettait, affirment-ils, aux colons de se mobiliser en cas d'urgence et annonçait durant le Ramadhan l'avènement du moment du f'tour. Après l'indépendance, la fin du jeûne a été pendant de nombreuses années annoncée à la fois par cette sirène et par un tir au canon dont l'usage qui remonte à la période ottomane devait cesser au bout d'un certain temps, affirme-t-on de mémoire de vieux Guelmis. La commune de Guelma a toujours confié à un de ses travailleurs, bien connu sur la place, le soin de faire résonner cette sirène. Après la mort de ce dernier, à la fin des années 1990, c'est Ammi Aïssa, préposé à la mosquée Ibn Badis, qui assume cette fonction. Ammi Aïssa affirme exécuter cette tâche depuis près d'une décennie en pleine coordination avec le muezzin qui lui fait signe lorsque le moment arrive pour appuyer sur le bouton déclenchant la sirène. Il y a quelques années le son de cette sirène parvenait jusqu'aux communes voisines de Guelma. Toutefois, l'extension urbaine tentaculaire des cités a fait qu'aujourd'hui certains quartiers du chef-lieu de wilaya n'ont plus accès au plaisir nostalgique de rompre leur jeûne au son de la sirène, regrette Mohamed qui tient un café près de la mosquée Ibn Badis mais qui habite désormais dans un quartier à l'écart du centre ville.