Le projet de loi sur l'immigration, l'identité nationale et la nationalité qui passera au vote le 12 octobre, continue à susciter des réactions de la part des acteurs politique en France. Présenté comme un ajustement du droit français aux directives européennes, ce projet de loi durcit encore la politique de l'immigration : allongement de la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière (jusqu'à quarante-cinq jours au lieu de trente-deux aujourd'hui), intervention plus tardive du juge des libertés, "interdiction de retour", soit une sorte de "bannissement" du territoire européen pouvant frapper, pendant éventuellement cinq ans, tout étranger en situation irrégulière. Interrogé sur la logique profonde de ces actions, le sociologue Eric Fassin, professeur agrégé à l'Ecole normale supérieure, se demande si le problème "n'était pas l'immigration mais la politique d'immigration". Dans une interview au magazine Télérama, ce sociologue estime qu'au lieu de seulement concéder une place au "problème de l'immigration", le gouvernement français l'a mis au cœur de son mandat. "Depuis 2007, a-t-il dit, les membres du gouvernement les plus visibles n'ont pas été les ministres de l'Economie ou des Affaires étrangères, ni même le Premier ministre, mais Brice Hortefeux puis Eric Besson, respectivement, ministre de l'Intérieur et de l'Immigration. Il souligne que durant sa campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy a développé "un double discours : à la fois négatif, contre l'immigration subie et positif, pour l'immigration choisie". Or, ajoute ce sociologue, le "rééquilibrage consiste en fait à réduire l'immigration familiale sans augmenter l'immigration de travail. Résultat, les immigrés les plus qualifiés préfèrent aller dans des pays qui traitent mieux les étrangers. Pourquoi renoncer à une vie de famille", s'est-il interrogé. "L'invasion" est un fantasme, pas une réalité, a-t-il dit, ajoutant que "tous les organismes internationaux s'accordent à dire qu'il ne faut plus, et non pas moins d'immigration, pour des raisons tant économiques que démographiques". "Quant à l'intégration des immigrés, le vrai problème, ce n'est pas la différence culturelle, c'est la politique qui constitue l'immigré en problème", a-t-il commenté. "Au-delà des calculs électoraux assez évident pour récupérer l'électorat du Front national", ce sociologue s'interroge aussi sur la volonté qui est derrière cette politique. "Depuis les années 1980, nous avons vécu sous le régime d'une croyance au +seuil de tolérance+ : la peur de l'invasion, la phobie des clandestins", a-t-il dit. "Pourtant, il y a en France, moins de 300.000 sans-papiers pour 65 millions de Français, soit huit fois moins qu'aux Etats-Unis, avec 12 millions de clandestins pour 310 millions d'Américains", a-t-il souligné.