Une mobilisation accrue est observée en France pour protester contre l'avant-projet de loi "relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité" qui sera soumis à partir du 27 septembre au débat parlementaire. Un grand rassemblement est ainsi prévu le 4 septembre place de la République à Paris et dans d'autres villes de France à l'"Appel citoyen" de quelque 50 associations, organisations non gouvernementales et partis politiques pour protester contre ce projet de loi, présenté par le ministre de l'Immigration, Eric Besson, le 31 mars dernier en Conseil des ministres et qui prévoit le durcissement des conditions d'entrée en France et la création d'une zone d'attente spéciale en cas d'arrivée massive de réfugiés. Parmi ces organisations, partis politiques et associations, il y a notamment la Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (FASTI), la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI), la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), le Parti communiste français (PCF), le Parti socialiste (PS), le Syndicat des avocats de France (SAF), la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et la Confédération générale du travail (CGT). Dans cet appel inscrit sous le mot d'ordre "Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité, fraternité", ces organisations affirment que derrière la technicité du texte qui sera débattu, se cachent des dispositions qui portent une "atteinte grave" aux droits des migrants et au rôle de la justice en France. "Le nécessaire respect de l'ordre public n'a pas été utilisé pour créer des distinctions entre les habitants de ce pays et désigner des boucs émissaires, ni pour instituer des peines de prisons automatiques, contraires aux principes fondamentaux du droit pénal, à l'indépendance de la justice et à l'individualisation des peines", souligne le texte de l'appel dont l'APS a obtenue une copie. "La constitution de la France, République laïque, démocratique et sociale, assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Notre conscience nous interdit de nous taire et de laisser faire ce qui conduit à mettre en péril la paix civile", ajoutent les signataires de l'appel. L'avant-projet de loi en question, cinquième depuis 7 ans et qui continue de susciter un malaise, tant à gauche qu'à droite, a pour ambition de transposer dans le droit français la "directive Retour" adoptée en 2008 par le Parlement européen et qualifiée par les associations de "directive de la honte". Cette directive prévoit expressément des restrictions au droit de libre circulation et constitue une étape vers une politique d'immigration européenne. Elle favorise aussi le retour volontaire des immigrants illégaux et établit des standards minimaux en matière de durée de rétention et d'interdiction de retour. Au programme de cette loi, figurent notamment la création de zones d'attente ad hoc, le prolongement de la durée de rétention prolongée de trente-deux à quarante-cinq jours, la restriction des prérogatives du juge des libertés et la possibilité d'assortir une expulsion d'une interdiction du territoire de cinq ans. Pour la présidente de la FNARS, Nicole Maestracci, c'est "la promesse de grandes difficultés à venir". De son point de vue, "non seulement de telles mesures n'apporteront pas à la société la sécurité à laquelle elle aspire légitimement, mais encore elles renverront dans une situation de marginalité dangereuse des milliers de personnes". "Face à cet ensemble d'annonces, juridiquement incertaines mais symboliquement très fortes, il faut avoir conscience du risque d'une véritable déflagration sociale dans une société déjà fragmentée. Le coût humain de ce projet de société implacable et injuste, risque à terme d'être sans commune mesure avec le bénéfice politique immédiat", a-t-elle estimé. Les experts du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU (Le CERD-Genève) ont récemment critiqué la France pour le lien établi entre immigration et insécurité, pointant une "recrudescence notable du racisme" et dénonçant l'absence d'une véritable "volonté politique" de lutte contre la discrimination raciale, dans l'accès à l'emploi, à l'éducation et aux biens et service et dont les principales victimes, ont-ils dit, sont "des groupes minoritaires tels que les minorités visibles, les musulmans, les Gens du voyage et les Roms". Les experts du CERD se sont, par ailleurs, interrogés sur la constitutionnalité du concept de "Français d'origine étrangère" évoqué par le président Sarkozy dans un discours prononcé récemment à Grenoble. Dans ce discours, à l'occasion de l'installation d'un nouveau préfet, suite à des violences survenues dans un quartier populaire de la villettes à Grenoble, le président Sarkozy a menacé de déchoir de la nationalité française toute personne d'origine étrangère qui porterait atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme ou d'un autre représentant de l'autorité publique, insistant sur l'"échec du modèle d'intégration français". Les dispositions permettant une déchéance de la nationalité pour certains délinquants pourrait être présentées également fin septembre à l'Assemblée nationale sous forme d'amendements au projet de loi sur "l'immigration, l'intégration et la nationalité", selon des sources concordantes qui craignent un durcissement de son contenu. Ces propositions avancées par le président Sarkozy seront, par ailleurs, en discussion au Sénat à partir du 7 septembre dans le cadre de l'examen de la Loi d'orientation et de programmation de la performance de la sécurité intérieure (Lopsi) déjà votée à l'Assemblée nationale en février dernier. Ce texte qui doit fixer les orientations des forces de l'ordre pour cinq ans met principalement l'accent sur les moyens techniques que peuvent utiliser policiers, gendarmes et juges en matière de sécurité.