Les massacres d'octobre 1961 sont un crime contre l'humanité qu'on ne peut amnistier, a affirmé le célèbre avocat Jacques Verges dans l'émission "Questions d'actu" qui devait être diffusée lundi soir sur Canal Algérie. Invité de l'émission enregistrée depuis Paris, aux côtés du Sénateur et président de l'association des anciens de la Fédération de France du FLN, Mohand Akli Benyounes, et l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, Me Verges a précisé qu'un tel crime "ne peut être amnistié du fait de son caractère imprescriptible". Evoquant un "deux poids, deux mesures" dans le traitement des questions relevant du colonialisme lorsqu'il s'agit d'Arabes ou de Nord africains, il a critiqué "l'empressement" des autorités françaises dans la condamnation de Maurice Papon pour son implication dans la déportation des Juifs, sans qu'il ne soit inquiété pour ses crimes contre les Algériens dont il a donné l'ordre de jeter dans la Seine. "Nos dirigeants français sont atteints de daltonisme politique et moral", a estimé l'avocat pour qui le colonialisme a été la "matrice de la barbarie en Europe". M. Benyounes a, pour sa part, rappelé que Papon n'a été que l'exécutant d'un "crime d'Etat". "Il ne faut pas trop focaliser sur Papon qui n'a été en fait que l'exécutant d'ordres émanant des plus hautes autorités française d'alors", a-t-il dit. Pour l'historien Olivier Le Cour Grandmaison, ça serait une erreur de vouloir porter le chapeau à Papon seul. "Cela permet de dédouaner d'autres personnages dont les noms sont inscrits au Panthéon de la Véme République", a-t-il observé. Interrogés sur le nombre "réel" des victimes de ces massacres, les intervenants ont relevé la difficulté d'arrêter un chiffre du fait de "l'inaccessibilité" à ce jour à certaines archives relatives aux évènements d'octobre 1961 et du nombre "important" des personnes renvoyées au pays d'origine et dont le sort n'est, à ce jour, pas connu. "Quelque 13000 personnes arrêtées lors des évènements ont été renvoyées par air vers l'Algérie", a relevé M. Benyounes qui, citant des chiffres de la Fédération de France du FLN, a évoqué 200 morts dûment recensés par les délégués de la Fédération au lendemain des massacres. Pour le reste, "nous n'avons aucune trace", a-t-il dit, signalant qu'il n'était pas évident pour la Fédération dont le comité décisionnel était implanté en Allemagne de procéder à un archivage systématique des documents du fait que le mouvement était clandestin. Evoquant le cas de ce qu'il conviendrait d'appeler les disparus suite à ces événements, l'historien Le Cour Grandmaison a relevé que dans un crime d'Etat comme celui perpétré en octobre 1961 la technique la plus répondue c'est celle de la "disparition forcée". "Il s'agissait de faire disparaître le corps en le jetant dans la Seine aux fin d'occulter les victimes et de minimiser l'ampleur des massacres", a-t-il expliqué. Pour Me Verges, ces rapatriés "auraient été exécutés" et tant que les archives demeureront soumises à une dérogation leur sort et celui d'autres ne sauront pas connus. Par devoir de mémoire, M. Benyounes a suggéré que dans chaque village en Algérie soit baptisée une place du nom du 17 octobre 1961 pour que "nul n'oublie l'atrocité de ces massacres, pour encrer cette date dans l'esprit de la jeunesse et ne pas attendre inlassablement leur condamnation, car leur reconnaissance ou pas est un problème franco-français".