La problématique de la traduction dans le domaine littéraire a été au centre d'une table-ronde organisée vendredi après-midi dans le cadre du 15è Salon international du livre d'Alger (SILA), qui se tient du 27 octobre au 6 novembre sur l'esplanade du complexe olympique Mohamed Boudiaf. "Quand on traduit une oeuvre littéraire, il faut obligatoirement connaître les subtilités de la langue de laquelle et vers laquelle on traduit", a indiqué Mohamed Sari, professeur à l'université d'Alger, soulignant dans son intervention la nécessité de faire une recherche lexicale surtout quand il s'agit de termes du dialecte. "Les idiomes ne sont pas traduisibles. Il faut trouver l'équivalent", a-t-il ajouté, insistant sur le fait qu'il faut garder l'"émotion esthétique"de l'oeuvre originale. L'écrivain et éditeur camerounais François Nkeme a dressé un état des lieux de la traduction littéraire dans son pays, estimant qu'il y a très peu d'oeuvres traduites "à cause du très grand nombre de dialectes". "Le problème qui se pose est dans quel dialecte va-t-on traduire", a-t-il dit, ajoutant, par ailleurs, que "la santé de la traduction est liée au paysage éditorial". "Si le livre ne circule pas, les possibilités de traduction sont limités", a relevé François Nkeme. June Dahy, directrice du département de langue arabe à l'université de Copenhague (Danemark), et traductrice de l'arabe vers le danois de l'oeuvre du poète palestinien Mahmoud Derwich, a parlé de son expérience de traduction de l'ouvrage de Waciny Laredj intitulé "La maison andalouse". "Déjà sa lecture en arabe est un vrai plaisir. J'ai aussi choisi cette oeuvre pour des raisons culturelles et littéraires", a confié June Dahy, qui a noté qu'il y a "très peu" de traduction de livres de l'arabe vers le danois. "La littérature arabe n'est pas très traduite au Danemark et quand une oeuvre est traduite, son tirage ne dépasse pas les 1000 à 1500 exemplaires", a-t-elle regretté, mettant en exergue l'importance de la traduction des oeuvres littéraires car ces dernières "parlent de l'humanité". "La traduction doit à la fois instruire, cultiver, plaire et séduire", pense Justine Mintsa, maître assistante à l'université de Libreville (Gabon). Selon elle, le traducteur "doit savoir restituer le texte dans la langue traduite en lui gardant toute sa saveur". "Deux langues n'ont pas les mêmes approches, ni les mêmes concepts, donc le traducteur est obligé de trouver des tournures de phrases pour exprimer la réalité. Il y a aussi des onomatopées qui ne peuvent pas être transcrites", a poursuivi Justine Mintsa, pour qui le traducteur "peut ne pas être fidèle au texte d'origine et ce pour des raisons purement esthétiques". Amara Lakhous, ancien journaliste à la Radio et auteur publiant actuellement en arabe et en italien, a évoqué son expérience littéraire. "Etant traducteur de mes propres romans, je me sens libre dans le choix des mots et dans la façon de les adapter", a-t-il dit, précisant, en outre, qu'en écrivant à la première personne , il se "rapproche de l'intimité linguistique" de ses personnages. "La traduction doit respecter le côté esthétique de l'oeuvre originale", a souligné, de son côté, Francesco Leggio, universitaire et traducteur italien, qui a posé le problème des approches dans la traduction et mis en garde contre la traduction intégrale. "Quelquefois, les marges sont obligatoires pour expliquer une expression", a-t-il indiqué, estimant, également, qu'"on ne doit pas, au cours de la traduction, sauter des passages ou des expressions car s'avérant très délicats à traduire". "Il y a, cependant, dans la traduction, des pertes que l'on ne peut pas toujours éviter", a-t-il commenté. Abdesselam Cheddadi, universitaire marocain, auteur d'une traduction de la "Moqadima" d'Ibn Khaldoun, a considéré, lui aussi, qu'en littérature la traduction "a ses limites" et que le traducteur doit, "parfois, faire une acrobatie" et faire preuve d'une "véritable inventivité". "Il ne faut pas que les emprunts soient trop nombreux pour ne pas déformer le texte", a-t-il encore estimé.